Le Club Memori
Pour ceux qui veulent comprendre, maintenir et améliorer leur mémoire.
Vulgarisation scientifique, méthodes, trucs et astuces pour bien mémoriser.

Musique et mémoire ? Un drôle d’attelage, apparemment. Que diable vient faire la musique dans la mémoire ? Eh bien elle l’améliore, mais oui. Un tas d’études scientifiques le confirme. Et elle ne fait pas que ça. Avant de détailler, faisons un petit point sur le rôle des sens dans la mémorisation.

La mémoire et les sens

La complexité de la mémoire réside dans son processus impliquant différents types de souvenirs qui se distinguent par leur capteur d’entrée : les yeux, les oreilles par exemple. Car le fait est qu’il n’y a pas de souvenir sans captation de l’information par nos sens. Les premières mémoires concernées pour cette captation sont donc des mémoires sensorielles.

Ces dernières « capturent » l’information et la conservent pendant quelques fractions de seconde. En effet, ce sont des mémoires à très court terme. Elles ne sont pas équipées pour la conservation à long terme.  Celle-ci est du ressort d’autres mémoires après traitement dans une mémoire de travail intermédiaire.

C’est le cas pour tous les types de mémorisation. Rien ne se mémorise sans passer par cette mémoire de travail. Peu importe la nature de l’information. Mais nous parlons aujourd’hui de la musique. Nous allons donc nous focaliser sur les souvenirs formés à partir de l’entrée auditive. Evidement, c’est l’entrée privilégiée pour la musique.

A vrai dire, ce n’est pas la seule. L’entrée visuelle compte un peu aussi, par exemple lors d’un concert. Cette double entrée, auditive et visuelle, modifie la perception de la musique. Il peut y avoir d’autres. Par exemple, la rythmique est parfois perçue par le corps. Dans ce cas, le vécu émotionnel global est encore modifié.

Il est clair que la musique, quelque soient les entrées qu’elle utilise, nous touche profondément. C’est un des rares domaines dans lesquels chacun a une expérience. Enfin presque. Il y a aussi les amusiques. J’espère que vous n’en faites pas partie. Ceux-ci, en effet ne distingue pas les hauteurs des notes ou des sons.

Il en résulte qu’ils ne peuvent absolument pas chanter; qu’ils peuvent trouver harmonieux des accords horriblement discordant; et qu’ils ont souvent aussi une difficulté à percevoir le rythme. N’essayez même pas de danser avec une personne atteint d’amusie.

Si c’est votre cas, pardonnez cette saillie. Vous êtes 4 à 5 % de la population mondiale, ce n’est pas rien. Peut-être vos amis seront-ils moins critiques avec vous après m’avoir lu. Car l’amusie est congénitale. Vous n’y pouvez rien. Ceci étant dit voyons ce que dit la Science du rapport entre musique et mémoire.

Voyez ces deux études sur le rapport entre musique et mémoire

En avril 2018, l’Université de l’Utah publiait une étude dans la revue ScienceDaily. Il s’agissait de faire écouter à des personnes démentes des extraits musicaux de leurs musiques préférées. Quel effet cela avait-il sur eux ?

Eh bien, selon l’expression d’un des chercheurs, ils « reprenaient vie ». Mais surtout, sous IRM fonctionnelle, les chercheurs ont découvert que la musique active le cerveau et met en communication des régions entières. Pour un temps, ces patients semblent se reconnecter au réel par l’intermédiaire de la musique.

Puis, en novembre 2021, c’est l’Université de Toronto qui publiait une étude dans la même revue. Les sujets étaient aussi des personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer. Pourquoi ? Parce qu’il est plus facile de déceler une nouvelle activité cérébrale dans un cerveau qui en a peu que dans un cerveau qui en est saturé.

Toujours est-il que les IRM réalisées une heure après une écoute musicale ont montré une activité nouvelle et des modifications des circuits neuronaux dans le cortex préfrontal. Elles ont lieu dans la zone « où se produisent les processus cognitifs profonds ». Et en cas de musique déjà bien connue autrefois des participants, on observe une activation en réseau de différentes régions du cerveau, supérieure à l’activation habituelle.

D’autres différences ont été observées. Bref, la preuve a été apportée d’une augmentation de le neuroplasticité grâce à l’écoute musicale. Il est clair que la recherche espère trouver dans la musique un levier pour ralentir l’évolution de la maladie. Musique et mémoire formeraient-elle un duo dans lequel la première améliorerait la seconde ?

Les résultats obtenus légitiment effectivement cette question sous différent angles. Par exemple, est-ce que la musique peut favoriser la mémorisation ? Peut-elle favoriser aussi la remémoration ? Ou augmenter la réserve cérébrale ? Repousser l’âge statistique des atteintes neurologiques ? Etc. C’est bien l’objet de cet article.

Quels processus cognitifs sont stimulés par la musique ?

Écouter ou jouer de la musique ne produit pas qu’un plaisir auditif. Cela met aussi en jeu divers processus cognitifs. Par exemple la perception auditive, l’attention, la concentration, l’identification de la structure d’un morceau, le repérage de thèmes ou de phrases récurrentes etc. Et bien sûr, la mémoire.

En effet, ces activités mentales intenses mobilisent différentes zones du cerveau qui collaborent entre elles. Elles établissent un réseau complexe d’informations. Écouter de la musique n’est en rien passif. Au contraire, cela entraine une activité intense du cerveau, une « gymnastique cérébrale » comme l’écrivait un auteur de l’étude citée ci-dessus.

Or, tout réseau complexe d’informations renforce nos aptitudes mnémoniques.  Plus ce réseau est dense et interconnecté, plus il sera aisé pour nous d’accéder aux souvenirs stockés dans notre cerveau. La question est de savoir si cette facilité d’accès ne concernera que les souvenirs musicaux… ou pas.

Mais il serait bien étonnant qu’un réseau créé par la musique tourne en autarcie. En effet, nous savons que la mémoire est par nature associative. Et par définition, les souvenirs musicaux sont déjà connectés à votre mémoire autobiographique. Musique et mémoire marchent toujours ensemble.

Ainsi, vous êtes allé à tel concert avec tels amis. C’était en plein air à tel endroit. Il a fait tel temps. Vous avez eu une panne de voiture en revenant. Ou bien vous avez rencontré votre compagnon de vie sur telle musique ou telle chanson. À moins que vous n’ayez écouté en boucle telle symphonie pendant une hospitalisation pénible etc.

Autrement dit, la musique est toujours liée aux circonstances de son écoute. Et ces circonstances ont souvent une aspect émotionnel fort : plaisir d’être ensemble, sentiment amoureux, inactivité pénible. Sans oublier la force émotionnelle qui se dégage intrinsèquement de la musique elle-même.

Or nous savons que les émotions sont un fixateur puissant des informations en mémoire. A l’âge de 80 ans, par exemple, vous pourrez très bien vous rappeler encore du temps qu’il faisait le jour de votre première communion, de votre mariage ou de ce jour funeste où vous avez eu un sérieux accident de voiture à l’âge de 20 ans.

La musique semble cocher beaucoup de cases pour prétendre être un facilitateur de mémorisation et de remémoration. La musique et la mémoire semblent faites pour s’entendre.

Quand on parle de la musique, de quoi parle-t-on ?

La musique… attendez… mais c’est quoi au fait, la musique ? Voyons… Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, on pourrait peut-être la définir comme une suite organisée de sons et de silences ? Hum, ça ne suffit pas. Une suite de coups de marteau pourrait presque répondre à cette définition !

Que direz-vous alors d’un ensemble harmonieux de mélodie, rythme et timbre ? C’est déjà mieux. Mais comment définir l’harmonieux ? Et puis, toutes les musiques sont-elles harmonieuses ? Toutes les musiques sont-elles mélodiques ? Je suis allé voir dans les dictionnaires.

La musique selon les dictionnaires

Le Larousse ne se foule pas. Pour lui, la musique est un art qui permet à l’homme de s’exprimer par l’intermédiaire des sons”, fermez le ban ! Le Robert nous dit que c’est « l’art de combiner des sons d’après des règles (variables selon les lieux et les époques), d’organiser une durée avec des éléments sonores ». Quant au Littré, il opte pour « la science ou emploi des sons qu’on nomme rationnels, c’est-à-dire qui entrent dans une échelle dite gamme ». Ah tiens, pour Littré ce n’est pas un art ?

Quelle idée m’a pris de chercher la définition de la musique ? Ces écarts dans les définitions sont d’autant plus étonnants que chacun de nous, même sans savoir la définir, sait spontanément ce qu’est la musique. Tout simplement parce que c‘est un langage universel. Parce qu’elle dépasse les frontières culturelles et linguistiques. Je vais partir du postulat que nous savons tous à peu près ce qu’est la musique. Et tant pis pour la définition !

La musique comme connaissance et expérience sensorielle intime

Cela dit, c’est vrai qu’elle se compose d’une série organisée de sons et de silences exprimés sur une ligne de temps ; que ses notes peuvent être produites par divers instruments ou par la voix humaine elle-même ; qu’elle peut prendre toute une variété de couleurs, d’accents, de structures, de rythmes ; qu’elle peut s’organiser en genres musicaux, en styles, en types spécifiques de composition etc.

Bref, elle défie les définitions, j’ai bien fait de laisser tomber cette recherche. Sans oublier que c’est avant tout une pratique sociale. La musique accompagne nos vies. Elle est présente aux moments joyeux, tristes, ou méditatifs. Tantôt elle supplée aux mots quand on n’en trouve pas pour exprimer nos sentiments; tantôt elle fait naître ces derniers et peut même changer notre humeur ou notre comportement. Il n’est donc pas étonnant qu’elle puisse jouer un rôle crucial dans notre développement cognitif.

Bien plus qu’un simple divertissement, la musique est une expérience sensorielle complexe, parfois individuelle, d’autres fois collective. Elle peut faciliter des interactions humaines et renforcer des liens sociaux. Elle n’engage pas que l’ouïe mais notre cerveau tout entier, y compris bien sûr notre mémoire ainsi qu’on va le voir plus loin.

L’influence de la musique sur le cerveau

La musique, cette mélodie qui nous fait vibrer, agit fortement sur notre cerveau. Les neurosciences révèlent que l’écoute musicale stimule plusieurs zones du cerveau à la fois. Pas seulement celles associées à l’audition mais également celles liées aux émotions et la mémoire. Il se trouve que l’écoute musicale active énormément notre cerveau. Ce qui prouve que c’est une opération plus complexe qu’on ne l’imagine.

Le rôle des émotions musicales dans la mémorisation

Les émotions, musicales ou non, sont centrales dans le processus d’apprentissage et de mémorisation. On a vu des élèves de CP ne pas apprendre à lire parce que l’instituteur leur faisait peur. Et des cancres professionnels retrouver leur mémoire, se mettre à apprendre et à rattraper leur retard avec un nouveau professeur qu’ils ont particulièrement aimé. Presque tout le monde a pu constater des phénomènes de ce genre.

Sachant que la musique génère également des émotions, on a voulu tester ça en laboratoire. Le dispositif est simple. On donne des textes ou des informations à apprendre à deux groupes de sujet.

Dans le premier groupe, on diffuse une musique de fond pendant l’apprentissage, pas dans le second, qui sert de groupe témoin. Cette expérience a été refaites plusieurs fois avec des musiques différentes : classique, jazz, chanson… Dans d’autres expériences, on a même passé des chansons ou des conversations en guise de « musique » de fond.

Il s’agissait de savoir si un des groupes ferait mieux que le groupe témoin le lendemain, quand on leur demanderait ce dont ils se souviennent de l’apprentissage de la veille.

Résultats ? Contrastés, car cela dépend de la musique. Avec Mozart on fait mieux que dans le groupe qui a appris en silence. Avec du jazz endiablé non ! Avec des chansons non plus, et avec les conversations encore moins. Cette expérience un peu simplette montre que mémoire et musique peuvent se rencontrer. Nous verrons plus loin d’autres expériences, encore plus parlantes.

Le rythme musical améliore-t-il l’attention ?

J’ai souvent entendu dire que l’activité physique donne de l’énergie. J’ai participé plusieurs fois à des journées de conférence au cours desquelles on faisait de l’exercice. Parfois avec de la musique entrainante et plutôt rythmique. C’était censé nous redonner de l’énergie pour recentrer notre attention.

Il y a là-dedans un coté croyance évident. Et pour cause puisque l’exercice physique vous fait dépenser de l’énergie, pas en gagner ! Il y a aussi un côté très juste. En effet, on se sent reboosté après avoir sautillé sur place et battu des mains etc…

Ne soyons pas crédules. En tout état de cause, vous avez dépensé de l’énergie physique et vous en avez gagné sur le plan mental. Pourquoi ? Parce que vous avez fait une pause et parce que vous vous êtes oxygéné Vous avez probablement aussi profité de cette pause pour vous hydrater un peu. C’est ainsi que vous avez « réinitialisé » votre attention !

En fait, ce n’est ni la musique ni le rythme qui vous a rendu attentif…

Mais le rythme aurait-il un pouvoir intrinsèque ?

Il n’empêche que j’ai entendu souvent que le rythme vous met en train. Il serait un « catalyseur d’encodage, de consolidation et de récupération de l’information » J’ai aussi lu que nos neurones synchroniseraient leur activité avec le rythme musical écouté et que cela améliorerait notre attention. Malheureusement je n’ai trouvé aucune source scientifique à ce sujet.

A la réflexion, pourquoi l’attention serait-elle meilleure si les neurones se synchronisaient avec la rythmique ambiante ? De plus, les tests d’apprentissage avec de la musique à la section rythmique très présente n’ont pas donné de bons résultats.

En revanche nous savons qu’il est plus facile de se concentrer sur un texte rythmé. Les comédiens vous diront qu’il est plus facile et plus rapide d’apprendre un rôle en alexandrins qu’un rôle en écriture libre. Dans ce cas, le rythme interne à l’information est un facilitateur.

Toutefois, la déclamation alexandrine tient plus de la musicalité que de la musique à proprement parler. C’est plutôt prosodique. Et jusqu’à plus ample informé, la musique rythmique semble plutôt focaliser l’attention… sur elle-même. Et comme l’attention est indivisible et ne se partage pas, elle n’est pas disponible pour autre chose.

La musique et la stimulation des souvenirs

Avez-vous déjà été eu la surprise de retrouver un souvenir quasiment oublié à l’écoute d’une chanson ou d’un morceau de musique ?  Cela n’est pas rare. C’est un peu comme la madeleine de Proust, mais en version auditive.

Pour expliquer ce phénomène, il est bon d’avoir à l’esprit que la mémoire mémorise les informations d’une manière beaucoup plus riche qu’on ne l’imagine. En effet, le contexte est généralement mémorisé aussi. Le contexte d’une mémorisation, c’est ce qui répond à des questions comme : où, quand, avec qui, faisait-il chaud ou froid, étiez-vous calme ou stressé, y avait-il des odeurs, des sons, d’autres sensations, des émotions etc. ?

On sait par expérience et expérimentations que l’aspect émotionnel est celui qui affecte le plus l’encodage de l’information. Soit positivement, soit négativement. Par exemple, si vous participez à une cérémonie vous concernant vous en conserverez généralement un souvenir assez précis, « comme si c’était hier ». Du moins en partie mais pas pour tout.

Juste un exemple :

Imaginons qu’il s’agissait de votre mariage.

Vous vous rappelez peut-être votre tenue vestimentaire ou la météo du jour. Sans doute aussi la musique que vous aviez choisie pour cette circonstance et le léger bégaiement de l’officiant. Mais probablement pas son nom, ni la couleur de ses cheveux, ni la teneur de votre discussion polie avec la voisine, ni si les asperges servies au début du repas étaient très bonnes ou quelconques.

Autrement dit, vous avez retenu sans difficulté les informations liées à des émotions parce que votre attention était rivée dessus. Pour le reste, c’est une autre affaire. Mais, c’est vrai, vous pouvez faire revivre bien plus tard les émotions liées à la circonstance. Vous pouvez retrouver sans peine les souvenirs qui sont liés à ces émotions.

En comme la musique est émotionnelle quasiment par nature, vous retrouverez facilement ceux qui sont liés à cette musique. Musique et mémoire, ça se conjugue souvent en raison de l’aspect émotionnel de la première. Toutefois, presque personne ne pense spontanément au rôle de la musique dans la mémorisation. Tout en l’ayant pourtant souvent expérimenté.

Chacun sait bien, en effet, que l’écoute de cette musique plus tard, va presque invariablement vous replonger dans l’atmosphère de l’événement. Ce surgissement du passé est assez surprenant, dans la mesure où l’on ne s’y attend pas. Mais, c’est clair, les souvenirs anciens peuvent avoir une deuxième vie grâce à la musique.

Y a-t-il des bénéfices de la musique pour l’apprentissage ?

Peut-on apprendre en chantant ?

Quelques expériences montrent qu’il est plus facile de vous remémorer quelque chose en vous repassant la musique que vous avez entendu lors de la mémorisation. C’est vrai et c’est souvent une surprise pour qui le vit. Mais est-ce vraiment utilisable volontairement, dans la pratique ? Pas vraiment.

En effet, il faudrait déjà savoir que vous aurez besoin de l’information plus tard. Il faudrait penser à diffuser une musique pendant l’apprentissage. Et surtout, au moment de vous remémorer, il faudra vous rappeler à quelle musique cette information est liée et vous la passer aussitôt. Franchement ça ne va pas de soi.

Pourtant, l’apprentissage par le biais de la musique peut tout de même se montrer intrinsèquement efficace. Mais, pour cela il ne faut pas que la musique fasse partie du contexte extérieur. Il faut au contraire que les informations à mémoriser soient, eux, mis en musique; que l’information et la musique soient intimement liées.

Les comptines

C’est le principe des comptines. Par exemple, les comptines pour apprendre les chiffres : « Un, deux, trois, nous allons au bois, quatre, cinq, six, cueillir des cerises » etc. La mélodie est simpliste mais ça marche, aidé par les rimes, il est vrai, même approximatives.

Un petit tour sur l’Internet vous montrera qu’il existe des quantités de ces comptines, dans toutes les langues. En France, nous connaissons évidemment tous « L’empereur, sa femme et le petit prince » pour apprendre les jours de la semaine. Et aussi, à moins d’être un poussin d’hier, « Rosa, rosa, rosam » de Jacques Brel, qui n’avais peut-être pas prévu que cela aiderait les apprentis latinistes.

Les programmes éducatifs

Musique et mémoire ou musique et chansons, c’est même devenu un business.

Dans le domaine scolaire, la BBC diffusait il y a une quinzaine d’année un programme d’apprentissage de l’Histoire en chansons. Je ne sais pas si cela existe encore.

Aujourd’hui, Studytraks propose des chansons en rap ou en pop pour apprendre le français, l’anglais ou la géographie ! Soprano et Joey Starr font partie des profs chantant…

Voyez aussi la société Onzic qui commercialise des leçons du bac en rap. Si ça vous intéresse, je vous laisse aller voir les paroles de la chanson « Analyse du commerce mondial »… Oui, oui, même ça, ça se met en rap ! Il en va de même pour les leçons du permis de conduire…

Les pratiques spontanées

Il arrive aussi qu’un instituteur propose aux élèves de mettre eux-mêmes le texte d’une leçon sur l’air d’une chanson connu. Inutile de dire que tout le monde mémorise !

Les chansons ont donc finalement un pouvoir singulier. Il est visible que le rythme de la prosodie ou de la mélodie, et la mélodie elle-même, tout comme les rimes, agissent comme des indices de récupération.

Au lycée, il m’est arrivé de mettre en musique un théorème de mathématique auquel j’étais rétif, et ça bien fonctionné. J’avais modifié légèrement le texte pour qu’il rime vaguement sans édulcorer le fond et ça a bien marché. Au bout de quelques semaines d’utilisation, je n’avais plus besoin de cette béquille et le théorème était bien « rentré dans ma caboche.

Par curiosité, j’aimerais bien savoir quel indice de rappel joue le plus grand rôle dans la mémorisation ? Est-ce la mélodie, le rythme, les rimes ? C’est probablement une curiosité un peu vaine. Du moment que ça marche, je devrais pouvoir e contenter de ça. Mais on ne se refait pas !

En revanche, ce qui est quasi certain, c’est que la musique active plusieurs régions du cerveau simultanément. Elle renforce ainsi les connexions neuronales entre elles. On peut supposer que le rythme et les rimes font de même pour d’autres régions. Quoi qu’il en soit, cela favorise mémorisation et remémoration.

Les effets de la pratique de la musique, instrumentale ou vocale

La relation entre la pratique musicale et la mémoire doit vous paraître assez ténue. Eh bien non, ce n’est pas le cas du tout. Vous savez sans doute que la région cérébrale phare pour la mémoire, c’est l’hippocampe. Celle que la maladie d’Alzheimer grignote inexorablement. Celle que l’alcoolisme rétrécit.

Et nombre d’études montrent que cette zone est beaucoup plus développée que la moyenne chez certains professionnels.

Le cas des chauffeurs de taxi londoniens.

À Londres, les chauffeurs de taxi doivent être capable d’aller de n’importe quel point à n’importe quel autre sans plan ni GPS. Il faut généralement quatre années de préparation avant de simplement oser se présenter à l’examen pour obtenir la licence.

Cet examen sans concession est probablement le plus difficile du monde. Imaginez un peu, il y a plus de 20.000 rues (certains disent 60.000, mais ils doivent compter les ruelles !) et vous devez connaitre par cœur le plus court trajet entre n’importe quel point et n’importe quel autre.

Au fur et à mesure de ce travail intensif, les candidats se créent de nouvelles connexions dans leur cerveau. Cela dans différentes zones, dont l’hippocampe dont le rôle est central pour la mémoire.

Et la musique là-dedans ?

Le cas des musiciens

Et bien, il y a une autre profession qui fait aussi bien que les taximen : celle des musiciens ! Il est vrai qu’eux aussi doivent réviser et répéter beaucoup.

L’augmentation des connexions dans l’hippocampe se décèle d’ailleurs des les premiers moments d’apprentissage. Les enfants qui pratiquent la musique ou le chant obtiennent rapidement un hippocampe plus développé que les non pratiquants.

On constate aussi qu’ils ont de meilleures performances en matière de mémoire de travail et de mémoire spatiale. Il faut dire aussi que l’hippocampe gère également la mémoire spatiale.

Tout cela est connu depuis plusieurs décennies. Du moins chez les chercheurs du CNRS et de bien d’autres institutions de recherche dans le monde. Ces recherches ont été faites et se font toujours grâce à l’IRM fonctionnelle. Mais les résultats ne sont pratiquement pas connus du grand public.

Que nous disent les études scientifiques

Comme je l’ai laissé entendre dès le début de l’article, le sujet « musique et mémoire » a inspiré beaucoup d’études.

Il faut dire que l’IRM a été une vraie révolution pour la recherche. Certaines IRM permettent même d’aller au-delà du simple constat. On peut alors demander à un patient de faire une action pendant l’examen. Des opérations mentales au début et puis finalement des opérations physique.

On voit « s’allumer » une ou plusieurs zones spécifiques dans leur cerveau pendant l’accomplissement de cette tâche. Selon sa nature (faire une multiplication, apprendre un quatrain par répétition, fredonner une chanson connue ou serrer les poings) on obtient une cartographie différente des zones activées.

Mais si la tâche est musicale, c’est tout à fait spécial. Sous IRM, voir que l’écoute musicale active le cortex auditif ne surprend pas. Mais ce qu’on voit surtout c’est que des zones qui n’ont rien à voir avec l’audition « s’allument » aussi.

Quand vous passez une IRM, on vous demande de ne surtout pas bouger dans le tunnel. Eh bien, on a demandé un jour à un violoncelliste d’y jouer du violoncelle… Miniature ! Il y a eu d’autres expérimentations de ce genre.

Elles concluent que s’activent des zones cérébrales concernant le langage, la motricité, la cognition ou les émotions, par exemple. C’est quasiment un embrasement du cerveau ! La « simple » écoute musicale est déjà une expérience plus complexe que spécifique. Dans le cerveau, en tout cas. Logiquement, cela ne devrait pas être sans effet sur ses performances en dehors du domaine musical. Cela semble bin être le cas.

Ci-dessous, je vous ai fait un pot-pourri de quelques études que j’ai consultées.

Panorama des études consultées pour cet article.

En voici un échantillon.

  • Étude sur des enfants pratiquants la musique et des non pratiquants de 9 à 13 ans. Chez les premiers : volume plus important de la substance grise dans la zone sensorimotrice et dans les régions occipitales.
  • Étude sur des enfants de 11 à 13 ans soumis sous EEG à des « incongruités syntaxiques verbales ». Les enfants pratiquants donnent une réponse électrophysiologique vers 11 ans. Le cerveau des non-pratiquants ne les repère que vers 13 ans.
  • Étude montrant que les tests de langage sont mieux réussis par les enfants qui suivent des cours de musique par rapport à ceux qui n’en suivent pas.
  • Étude montrant qu’après seulement 4 mois de cours de musique, les enfants améliorent leurs performances dans des tâches de reproduction d’objets familiers ou de structures géométriques.
  • Étude sur des adultes montrant que chez les musiciens uniquement les aires du langage sont activées par la musique
  • Étude sur des adultes de 26 à 66 ans montrant que le volume de la substance grise diminue avec l’âge, sauf pour les musiciens chez qui il reste constant.
  • Étude au cours de laquelle on donne des leçons de piano à des adultes de… 60 à 85 ans. Il n’est jamais trop tard pour commencer ! D’autant qu’ensuite les tests ont montré une amélioration des fonctions exécutives.
  • Étude montrant que chez les musiciens la matière grise au niveau de l’hippocampe est plus dense que chez les non musiciens. Pour être précis c’est l’hippocampe gauche qui est concerné. Car, en fait, on en a deux, un par hémisphère.

Comme vous voyez, on ne s’ennuie pas chez les chercheurs. Et ce n’est qu’un échantillon.

Conclusion

L’ensemble des résultats montre indéniablement que la pratique musicale

  • améliore le développement du langage et la compréhension de ses règles syntaxiques.
  • empêche la fonte de la matière grise au fil du temps
  • augmente les connexions internes de l’hippocampe
  • favorise la mémoire verbale et la mémoire autobiographique.

Evidemment, je ne crois pas beaucoup à l’utilisation à grande échelle de la musique pour mémoriser des informations spécifique grâce à une musique spécifique. C’est impossible à mettre en œuvre. Sauf dans le cas particulier d’une information particulièrement coriace à mémoriser. La mettre en musique, ça fonctionne assez bien. C’et ce que j’ai fait il y a longtemps avec un théorème mathématique.

Quant aux cours chantés, n’est-ce qu’un business opportuniste ? On manque de recul pour les évaluer. Mais des utilisateurs témoignent en leur faveur. Une étude scientifique serait bienvenue.

Cependant, le vrai potentiel est ailleurs. Il faut sans doute considérer la musique comme faisant partie de l’hygiène de vie. Autrement dit, au même titre que bien dormir, gérer son stress, avoir une bonne alimentation etc. C’est ainsi, comme activité régulière et pour le plaisir, qu’elle devrait être pratiquée.

Les bénéfices pour la cognition, le langage, la réserve cognitive et la mémoire viennent alors de surcroit.

En prime !