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Vous préférez l’hypermnésie
ou l’amnésie ?
Si je vous dis « amnésie », vous me répondez quoi ? C’est couru d’avance ! Vous allez me répondre maladie d’Alzheimer… C’est une réponse réflexe, qui fait écho à notre peur de cette maladie. Et pourtant, il y a bien d’autres cas d’amnésie. Mais bon, ce n’est pas le sujet du jour.
Maintenant, si je vous dis « hypermnésie », vous me répondez quoi ? Vous séchez un peu ? Il faut dire que le phénomène est assez peu connu.
Je ne sais plus qui a appelé ça l’« exaltation de la mémoire ». C’est joliment dit, mais pas très scientifique, je le crains. D’ailleurs, c’est le cas de pas mal d’autres expressions pour désigner le même phénomène : inflation de la mémoire, mémoire totale, mémoire absolue, supermémoire, mémoire infinie, hypermémoire, hyperthymésie … On ne manque décidément pas de termes pour qualifier l’hypermnésie.
Mais aimeriez-vous être hypermnésique ? Avoir une mémoire ineffaçable ? Pensez donc, être capable de ne plus jamais rien oublier… je suis prêt à parier que oui.
Ne jamais rien oublier… le rêve ?
« Ah oui alors… À moi les études les doigts dans le nez ! À moi les conversations brillantes en société. Je pourrai retenir tout ce que je lis, tout ce qu’on me dit, tout ce que je vois, tout ce que j’entends… Je pourrai gagner à tous les jeux…
Mmm… oui, possible… Je pensais plutôt à autre chose : faire une conférence au pied levé sans notes et sur n’importe quel sujet ; devenir mnémoniste professionnel ou physionomiste de casino. Devenir un négociateur hors pair avec tous les éléments du dossier dans votre tête…
« Bof… Moi, je vois surtout que je pourrai avoir réponse à tout. Et que je serai imbattable à tous les jeux de mémoire et d’érudition. Je pourrai gagner aux cartes et faire sauter la banque au casino. Et puis, je deviendrai champion aux jeux télévisés, je deviendrai riche et célèbre ! Youpi ! »
Heu… Oui, bon. Vous vous voyez déjà… (air connu, merci, Aznavour).
Si j’étais vous, je me méfierais quand même… D’accord, par rapport à l’amnésie (qui vous prive de vos souvenirs), y’a pas photo. L’amnésie serait la malédiction et l’hypermnésie la bénédiction, hein ?
Ben, finalement ça se discute !
Évidemment, je vous comprends. À choisir, spontanément vous préféreriez devenir hypermnésique plutôt qu’amnésique. Mais il y a un revers à la médaille. Certes, certains hypermnésiques s’accommodent de leur don. Mais d’autres, au contraire, la portent comme un fardeau. Pour eux, c’est une vraie malédiction. Ce qu’ils voudraient, c’est être capables d’oublier… Vous n’imaginez même pas à quel point.
« Ah bon ? »
Oui. Pour vous en faire une idée, je vous propose de jeter un coup d’œil sur ma petite galerie d’hypermnésiques. Vous me donnerez vote avis ensuite, d’accord ?
Deux hypermnésiques connus
Solomon, veniaminovitch Cherechevski, dit « Veniamin »
C’est le cas le plus documenté. Et pour cause, il a été testé pendant plusieurs dizaines d’années par le neurologue Aleksandr Romanovitch Luria. On va dire Luria, c’est plus simple. Cela se passe en Russie, vous l’aurez compris, il y aura bientôt un siècle. Cherechevski était un journaliste russe exerçant à Moscou. Son rédacteur en chef avait remarqué qu’il ne prenait pas de notes. Jamais. Son agenda était dans sa tête. Il ne notait pas ses rendez-vous. Il se rendait là où on l’envoyait et il n’oubliait jamais rien de ce qu’on lui disait.
L’homme qui ne savait pas qu’il avait une hypermémoire
Tout cela se passe il y a presque un siècle. Chose étonnante : lorsqu’il rencontre Luria, Veniamin ne sait même pas qu’il est hypermnésique ! Mais Luria, qui lui fait apprendre des listes de chiffres et de mots de plus en plus longues, est estomaqué. Il ne parvient pas à trouver la moindre limite à la mémoire de ce phénomène. Veniamin retient tout… Par la suite, on pourra vérifier que, même 15 ou 20 ans plus tard, il se rappellera toujours ces innombrables listes…
Jusqu’alors, il croyait que tout le monde mémorisait comme lui… Mais quand il a pris la mesure de ses dons, il est devenu mnémoniste professionnel. Il se produisait dans des salles de spectacle sous le pseudonyme de Veniamin. Il répliquait sur scène ses exploits auprès de Luria. Il mémorisait des tableaux de mots ou de chiffres. Lui tournant le dos, il pouvait aussi bien le réciter à l’endroit ou à l’envers. Ou bien donner l’item correspondant à telle ou telle position dans le tableau. Ou vice versa. Etc.
Mais son hypermnésie ne s’arrête pas là. Voici un exemple. Chez Luria, on lui lit la première strophe de La Divine Comédie de Dante. Il la reproduit sans difficulté. Avec l’accent et les intonations italienne. Mais là où ça passe l’entendement, c’est quand on lui demande de la réciter 15 ans plus tard. Eh bien, il s’en acquitte de nouveau et sans faute. Et toujours avec l’accent et les intonations italiennes… Ah oui, j’allais oublier : l’italien, c’est une langue qu’il ne connaît pas du tout !
Le synesthète malgré lui
La synesthésie consiste à percevoir les stimuli par plusieurs sens à la fois. Et justement, Veniamim est synesthète, mais ne le sait pas. Pour cela aussi, il croyait que tout le monde était comme lui.
Une ratatouille de sensations.
Chez Luria, il a des difficultés avec les bruits ambiants. Ils produisent des “taches” sur le tableau ou des “nuages de vapeur” qui lui rendent la lecture difficile. En laboratoire, le linguiste Lev Vygotski constate qu’il voit une couleur et des formes différentes pour toutes les fréquences testées. À 50 Hz, par exemple, il voit une bande brune avec des « langues » rouges. Avec en prime une sensation de soupe aigre-douce sur la langue… Chaque fréquence a sa couleur et ses sensations associées.
Il trouve la voix du linguiste jaune et friable. D’autres voix sont symphoniques; ou bien elles ont des nervures… L’audition des lettres lui provoque des visions colorées : pour lui le son a est blanc et long, le i s’éloigne vite, le iou (son assez fréquent en russe) est pointu. Et puis, le son o est large et descend, le 1 est dur, le 3 tournoie, le 8 est inoffensif et bleu laiteux… Certains sons sont mous, d’autres rugueux. Les mots ont des poids différents, du léger au lourd.
Un coup de sonnette à la porte et Veniamin voit une boule colorée bondir devant ses yeux. De plus, il a la sensation que quelque chose de rêche lui passe sur les doigts. Et ce n’est pas tout, car, en même temps, un goût d’eau salée lui envahit la bouche !
Vous ne serez donc pas étonné si Veniamin vous dit que le mur sur lequel vous vous appuyez, là, est non seulement rugueux, mais également salé et strident…
Et voilà pourquoi Veniamin est un mémorisateur prodige
On a donc affaire à un processus qui associe plusieurs sens. Le phénomène est connu. Mais dans le cas de Veniamin, il est généralisé. Cela fascine Luria. Il fait l’hypothèse que c’est là le secret de l’hypermnésie de celui qui est devenu, semble-t-il, son ami.
Pour lui, le fait que toutes ses perceptions sont un mille-feuille de sensations est à l’origine de sa prodigieuse mémoire. Il y voit des « informations excédentaires » qui favorisent la mémorisation. Bonne intuition.
En termes contemporains, nous dirions que Veniamin dispose, pour chaque information mémorisée, d’une multitude d’indices de récupération. De plus, ces indices sont sensoriels et parfois émotionnels. Or, ce sont les indices de récupération les plus efficaces, justement. À première vue, on dirait que son hypermnésie est due à une pléthore d’indices de rappel.
Votre mémoire ne fonctionne pas spontanément de cette façon. Vous utilisez plutôt votre mémoire sémantique. Vous mémorisez essentiellement le sens des informations. Cela se traduit par le fait que le rappel des informations mémorisées ne se fait pas toujours à l’identique. Pour chaque remémoration, vous utilisez des mots différents, des synonymes, des tournures de phrases différentes.
Veniamin, non. Il récupérait les informations à l’identique. Cela pourrait donc indiquer un défaut de mémoire sémantique. Les expériences de Luria, étendues sur 30 ans, montrent que son sujet ne se sert quasiment jamais de la signification pour mémoriser. L’abstraction lui semble inconnue.
Il ne classe jamais les informations par catégories, ce qui est pourtant un moyen éprouvé pour les retrouver plus facilement. Il explique d’ailleurs que’il ne mémorise pas du tout les mots… Non. Il mémorise en fait la liste des images et sensations qu’ils lui ont procuré !
On est vraiment dans un autre monde.
Au fait, Veniamin avait des problèmes de mémoire !
« Quoi ? Avec son hypermnésie, il avait des problèmes de mémoire ? »
Eh oui, le pauvre. D’abord, il lui arrive de se tromper. À force de retenir des tableaux de mots et de chiffres, il lui arrive de faire des confusions entre 2 tableaux. C’est un phénomène connu. Quand on mémorise des informations qui se ressemblent, on les confond facilement.
Imaginons, par exemple, que vous dîniez fréquemment chez des amis et vice versa. Vous avez eu une discussion passionnante avec un convive. Lors de sa remémoration, vous indiquez la présence d’une personne qui, en fait, n’était pas là. Pourtant, vous êtes persuadé que si.
Il vous faudra le témoignage de cette personne (qui était au Pérou ce jour-là) pour vous convaincre de votre erreur. La similitude des situations vous a trompé. C’est une confusion fréquente dans la mémoire épisodique. Au fait, la mémoire épisodique, c’est celle qui stocke tous les… épisodes de votre vie. On parle aussi de mémoire autobiographique, c’est la même chose.
Sur ce plan, vous et Veniamin ce n’est pas tout à fait pareil
Or, l’hypermnésie de Veniamin était essentiellement une hypermnésie liée à sa mémoire épisodique. Cette hypermémoire autobiographique s’appelle aussi l’hyperthymésie. Quand il remémorait une liste, c’était toujours avec le contexte, la date, les gens présents, etc. Cette mémoire étant sujette aux confusions, il n’y échappait pas. En revanche, il était pratiquement toujours capable de rectifier son souvenir. Alors que vous, peut-être pas.
Par ailleurs, il a le plus grand mal à réussir une expérience que tous les enfants du monde réussissent assez facilement : apprendre une poésie. Pour Veniamin, c’est l’horreur. Toutes ces couleurs, ces images, ces sons envahissants générés par la lecture ou l’audition du texte le perturbent, il ne sait plus à quoi se raccrocher. La lecture lui est d’ailleurs en général pénible.
L’homme qui n’arrivait pas à oublier
Veniamin a un autre problème : il n’arrive pas à oublier. En spectacle, il fait souvent des démonstrations avec des tableaux de mots et de chiffres donnés par le public. Comment éviter de cafouiller en public en mélangeant sa remémoration du jour avec celle de la veille ?
Il essaye des tas de trucs : mettre le feu (mentalement…) au tableau ; le recouvrir d’une feuille opaque ; le reproduire sur papier, le froisser et le brûler pour de bon… Mais ça ne marche pas. Finalement, il trouve qu’il lui suffit de décider qu’il ne veut pas s’en souvenir… Cette fois ça marche ! Cela reste tout de même assez énigmatique. Essayez un peu de décider d’oublier quelque chose que vous savez déjà, vous m’en direz des nouvelles…
Dans la vie courante, en revanche, la quantité énorme d’informations qu’il mémorise le handicape. Il ne peut pas vivre pleinement, normalement, les événements quotidiens. Tout l’encombre, il en souffre. Sur le plan social, c’est un handicap. Essayez une seconde d’imaginer, par exemple, la vie de famille ou la vie conjugale avec quelqu’un qui n’oublie jamais rien… L’hyperthymésie est un redoutable fardeau.
À la fin de sa vie, Veniamin sombre dans la dépression et on l’oublie…
Le livre de Luria, qui s’est fait le scribe de toutes ses expérimentations avec lui, se termine sur une note assez désenchantée. Veniamin abandonne le cabaret lorsque l’étude de Luria prend fin, au bout de 30 ans. Il exerce différents métiers, de figurant de cinéma à imprimeur en passant par organisateur du travail et même thérapeute. Luria le voit malheureux, inadapté, « en attente de quelque événement qui lui apporterait le bonheur ». Disons le mot : déprimé.
L’homme errant, déprimé, puis qu’on oublie
Il semblerait que ce soit l’étude de Luria qui l’a aidé à supporter les aspects négatifs de son étrange capacité. En faire un métier aussi. Globalement, cela donnait un sens à sa vie, il ne souffrait pas pour rien. Un sens fragile, car la fin de cette relation de travail l’a visiblement déstabilisé. On le devine alors comme une âme en peine, qui se cherche un nouveau tuteur et ne le trouve pas.
Privé de cette relation avec Luria, il ne peut même plus poursuivre son activité artistique. Comme si elle n’avait de sens qu’en rapport avec le neurologue. Cette étude scientifique au long cours, associée à son nouveau métier de mnémoniste semblait rendre supportable son hypermnésie. L’étude terminée (Luria prend sa retraite), ses productions en public perdent leur sens. Son hypermnésie redevient une charge, une croix à porter.
Veniamin est mort en 1958 sans que personne ne lui consacre une ligne dans les journaux. Aujourd’hui Wikipedia ne le connaît même pas. Seul Luria, pratiquement oublié lui aussi en dehors de la Russie, continue par son livre à maintenir son souvenir.
Au fait, vous êtes toujours aussi tenté par l’hypermnésie ?
Jill Price
Cette fois, il s’agit d’un cas contemporain. J’en ai entendu parler pour la première fois par Roland Portiche que j’ai rencontré au Congrès de la mémoire 2018. C’est un réalisateur qui a dans les 300 documentaires au compteur pour la télévision. Notamment les 61 Grandes énigmes de la Science avec François de Closet et, plus récemment, quelques-uns des Secrets d’Histoire avec Stéphane Bern.
Il s’est pris d’intérêt pour l’hypermnésie. Nous avons échangé nos livres. Le sien, intitulé mémoire totale s’ouvre sur le cas Jill Price qui était l’objet de sa conférence. L’histoire est passionnante. Contrairement à Veniamin, pour lequel on ne pouvait dater l’hypermnésie, avec elle c’est possible. Elle avait probablement une bonne mémoire avant, comme nous tous. Mais son hypermnésie est datable.
Elle avait 8 ans…
La femme qui ne pouvait pas oublier
Cette année-là, sa famille a déménagé. Un déchirement pour Jill. Elle savait depuis un an que c’était inéluctable. Mais avec le déménagement « sa mémoire explose », dit Roland Portiche. Sa mémoire devient apparemment une hypermémoire.
Elle a expliqué plus tard qu’elle était déjà très attachée au passé. Les changements sont très mal vécus. Perdre ses habitudes, ses amis, et surtout risquer de perdre les souvenirs attachés à cette première vie, c’est intolérable.
Elle aurait même aimé que quelqu’un la suive avec un micro (étonnamment, elle n’a pas parlé de caméra, mais de micro) pour tout enregistrer de sa vie jusqu’au déménagement. Elle a toujours ressenti la nécessité de conserver le passé. Son journal intime dépasse les… 50.000 pages. Elle enregistre en vidéo les événements marquants de sa vie. Elle a ainsi accumulé plus de 2.000 cassettes vidéo…
Elle envie, d’ailleurs, les gens qui ont pu passer toute leur vie au même endroit, dans la même maison. On a l’impression que, à partir du déménagement, elle se serait promis de ne plus rien oublier. En tout cas, elle remarque qu’à partir de ce jour-là, son esprit « se remplit de plus en plus de souvenirs ». Son hypermnésie viendrait donc de là.
Pour autant, cela ne s’est pas fait d’un seul coup, il y a eu des paliers. Elle estime que sa mémoire a atteint une sorte de perfection vers ses 14 ans.
Témoignage
Perfection, c’est une façon de parler. Lorsque, à l’âge adulte, elle écrit à James McCaugh, un neurologue de l’Université voisine, voici ce qu’elle dit :
« Chaque fois que je vois à la télévision une séquence qui évoque une date, ma mémoire se rapporte immédiatement à ce jour-là, à ce que je faisais, où je me trouvais, etc. Cela ne s’arrête jamais, c’est incontrôlable et totalement épuisant. La plupart de mes amis appellent ça un cadeau, moi j’appelle ça un fardeau. Toute ma vie défile sans cesse dans ma tête et ça me rend folle. »
Une hypermnésie autobiographique
Ce n’est pas uniquement avec la télévision. Dans les discussions c’est la même chose. Jill vit en permanence, dit-elle, comme si son esprit était divisé en deux parties. Comme un écran avec le présent à gauche et le passé à droite.
Lorsque quelqu’un lui parle, les événements, les détails qu’on lui donne sont autant d’indices de récupération. Ces derniers font s’afficher en simultané des souvenirs similaires de sa vie personnelle. Cet affichage est incontrôlable, elle ne peut pas l’empêcher. Elle est hypermnésique malgré elle.
Pour lutter contre cette invasion de souvenirs qui surgissent sans crier gare qu’elle note tout, elle enregistre tout ce qu’elle peut. Elle écrit pour fixer, pour « immobiliser » le souvenir, comme pour l’emprisonner et l’empêcher de surgir sans prévenir.
Un petit air de Veniamin…
Les tests qu’a passés Jill Price montrent que son hypermnésie ne concerne que la mémoire épisodique (ou mémoire autobiographique, c’est pareil). Mais elle a du mal à répéter une liste de mots. Elle a peu de souvenirs de la récente campagne présidentielle. Son hypermnésie est donc spécialisée dans ce qu’elle a personnellement vécu. C’est plus précisément de l’hyperthymésie.
En revanche, ses capacités d’abstraction sont plutôt inférieures à la moyenne. Cela nous rappelle évidemment Veniamin. Chez lui aussi, la mémoire autobiographique était dominante. Il se rappelait très bien avoir appris telle liste, quand, dans telles circonstances, et en présence de qui.
La différence, c’est que pour Veniamin ce sont les synesthésies qui servent de liant, alors que pour Jill Price ce sont les émotions. C’est du moins ce qui apparaît en filigrane dans son livre The woman who can’t forget. Et tout comme Veniamin était gêné par ses synesthésies, elle est gênée par ses réminiscences émotionnelles.
Des hypermnésies moins pénibles
Ces convergences restent inconnues de l’équipe du neurologue James McCaugh qui l’a suivie. Ils sont persuadés de tenir le premier cas d’hypermnésie étudié par la science ! Ils ne connaissent donc pas l’exceptionnel travail d’Aleksandr Luria. Les chercheurs manquent parfois de mémoire… ou d’intérêt pour le passé !
En revanche, ils sont probablement les premiers à utiliser le terme de syndrome d’hypermnésie. Disons, hypermnésie, c’est plus court. Sauf que dire « syndrome », c’est d’emblée y voir une pathologie. Ce qui, dans le cas de Jill Price, semble avéré.
Mais il y a bien d’autres cas d’apparence similaires et qui n’ont rien de pathologique. Je cite volontiers le cas de l’actrice américaine Marilu Henner. Très active, elle a sa propre émission journalière de radio, consacrée à la médecine, à la santé. Elle a aussi écrit une dizaine de livres sur l’alimentation, la santé et la… mémoire. Et pour cause, car elle aussi est hypermnésique.
Elle l’évoque dans son livre Total Memory Makeover. Visiblement, son hypermnésie ne la gêne pas du tout. Pourtant, elle a aussi une mémoire totale de sa vie. Mais, différence notable, ses souvenirs ne sont pas envahissants. Ils arrivent à la demande, c’est tout.
Bob Petrella, un ancien défenseur de football américain devenu réalisateur de télévision est dans le même cas. Il peut, lui aussi, revisiter le passé à la demande. Visiblement sans en souffrir. Il va même jusqu’à affirmer : pour moi, la perte d’un être cher ou d’un proche n’est pas aussi grave, car je peux y retourner et avoir l’impression d’être de nouveau avec eux ». Diantre !
Comme Jill Price, les dates sont les principaux repères de sa mémoire autobiographique. Comme Veniamin, il est devenu mnémoniste de spectacle.
Et si l’hypermnésie était normale ?
En réalité, je ne pose même pas sérieusement la question ! J’en suis persuadé : nous sommes tous hypermnésiques, mais nous ne le savons pas…
« Houla, vous y allez fort, là ! Si j’étais hypermnésique, je le saurais, non ? »
Non…
Regardons les choses en face. Plusieurs expériences ont mis en lumière le fait qu’on peut faire surgir le souvenir d’événements très anciens. On parle d’événements anciens auxquels les sujets n’ont plus repensé depuis 50 ans ou plus…
Comme je l’ai déjà écrit dans d’autres articles, quand on oublie, les informations mémorisées ne sont pas effacées. C’est le chemin d’accès qui est effacé.
Maintenant, revenons à nos hypermnésiques. Jill Price, par exemple. Rappelez-vous l’effet double écran qu’elle décrit. Elle est à la fois consciente de ce qu’on lui dit ET de tous les événements de sa vie qu’elle y associe. Or, chez vous et moi aussi, les discussions ont le même effet. Sauf que cela reste inconscient.
« Mmmm… bizarre votre truc »
Mais non.
Imaginez, par exemple, que Gilbert vient de vous dire :
« Le 14 juillet, on n’ira pas avec vous au feu d’artifice. On est invités chez les Durand. Ils sont fanas de choucroute. J’espère qu’ils ne vont pas nous servir ça. ». Maintenant, je vais vous demander de me dire tout ce à quoi vous font penser les éléments de cette communication orale. À quoi vous fait penser Gilbert ? Et le 14 juillet ? À quoi vous fait penser être invités ? Que vous évoquent les Durand ? Et la choucroute ? Etc.
Je suis persuadé que vous n’aurez aucun mal à trouver une dizaine de choses pour chaque mot starter.
« Et alors ? »
Alors, examinons ça de plus près.
L’hypermnésie chez vous et moi
Dans l’exemple ci-dessus, à quoi vous ferait penser « être invités » ?
“Ben, j’adore recevoir ; déjà trois réceptions depuis le début de l’année ; l’an dernier, on n’avait invité quasiment personne ; cette année, on a été invités 2 fois ; Marlène s’est plainte qu’on ne l’invite pas souvent ; au fait, on n’a plus de champagne ; il faudrait qu’on invite Bernard à son retour de vacances ; la première fois qu’on a invité quelqu’un ici, on venait d’emménager, on n’avait pas de couvert à salade ; ma sœur ne m’a pas invité depuis au moins trois ans ; ma belle-mère ne répond jamais à nos invitations… etc.“
Parfait. Et pour « choucroute » ?
“J’ai du mal à digérer la choucroute ; j’adore le riesling ; il y a 5 ans, nous sommes allées en Alsace ; Guy est originaire de Colmar, mais il ne mange jamais de choucroute ; On connaît un restaurant alsacien qui fait une choucroute du tonnerre ; dans la choucroute parisienne, on rajoute une tranche de jambon ; je me souviens de la fête de la choucroute à Brienne le Château ; mon grand-père faisait lui-même un tonneau de choucroute chaque année ; la supérette du coin vend une choucroute en bocal pas mal du tout … Etc.”
Bien… Tout cela fonctionne par associations. Vous voyez: le concept d’« être invité » et celui de « choucroute » sont associés à des tas de souvenirs de votre mémoire autobiographique. Beaucoup plus nombreux, d’ailleurs, que la dizaine que vous venez de retrouver. En effet, votre cerveau fait ce genre d’associations en continu. Chez Jill Price et chez vous, c’est la même chose.
« Mmm… »
L’hypermnésie chez Jill Price
Une affaire de chemins d’accès…
D’accord, ce que vous vivez n’a rien à voir avec ce que vit Jill. Pourquoi ? Parce que votre cerveau ne juge pas utile de vous avertir de toutes les associations qu’il fait. Pas mal d’études scientifiques montrent que les informations mémorisées le sont pour longtemps. Peut-être à vie. En revanche, les chemins d’accès se désactivent au fur et à mesure qu’on ne les utilise plus.
Chez Jill, tout se passe comme si les chemins d’accès n’étaient jamais désactivés. Cette hypothèse me paraît la plus probable. De ce fait, chez elle, les souvenirs associés arrivent en flot continu à la conscience. L’hypermnésie est peut-être, en fin de compte, une hyperconscience du passé.
… ou une question de mémoire à court terme ?
Une autre hypothèse a été émise : les hypermnésiques n’auraient pas de mémoire à court terme. Ou bien ils n’auraient pas de poste d’aiguillage entre celle-ci et la mémoire à long terme.
Rappelons que la mémoire à court terme stocke les informations pendant 10 à 30 secondes. Elles sont ensuite transférées dans la mémoire à long terme on bien effacées. Selon la théorie que je viens d’évoquer, rien ne serait effacé, tout irait automatiquement en mémoire à long terme.
Je trouve que ça n’explique rien. Nous avons tous des tas de choses en mémoire à long terme. Mais elles ne nous sautent pas à la conscience au fur et à mesure que notre vie du moment pourrait les évoquer. Quand Gilbert vous parle de l’invitation chez les Durand, ça ne déclenche pas chez vous le flot des souvenirs listés plus haut.
Ils sont bien réels, pourtant. Vous vous êtes demandé à quoi pouvaient vous faire penser « choucroute » et c’est venu tout seul. Mais il vous a fallu une intention spéciale pour les trouver.
Chez Jill Price, ça arrive à flot, de façon irrépressible.
Jill Price a-t-elle une mémoire exceptionnelle ?
Je ne le crois pas. Je prétends que nous avons tous une excellente mémoire. Vous avez une excellente mémoire, Jill Price aussi, mais pas plus que vous. Ce qui est exceptionnel chez elle, c’est le flot continu des souvenirs. Ils lui sautent à la conscience, si j’ose dire, au moindre stimulus.
C’est un cas d’école pour démontrer que la mémoire est associative. Chez Jill, tous ces souvenirs débarquent, appelés par association avec ses perceptions du moment : ce qu’elle lit, ce qu’on lui dit, ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, etc. Tous ces stimuli semblent fonctionner comme des indices de rappel. Pour elle, TOUT est indice de rappel.
Mais je ne parlerais pas d’une mémoire exceptionnelle. C’est le passage continu en conscience qui est exceptionnel. Le psychologue Gary Marcus affirme que les facultés de Jill n’ont « rien à voir avec la mémoire et tout à voir avec sa personnalité ». Je n’ai jamais rencontré Jill Price, mais sur le papier je suis assez d’accord.
Elle a quand même une intention exceptionnelle de mémoriser
Vous avez dû faire un effort pour vous rappeler ce que « invitation » ou « choucroute » pouvait vous évoquer. Peut-être bien parce que vous ne surestimez pas le passé. Psychologiquement, c’est l’inverse chez Jill Price. Elle n’a donc pas, comme vous, une intention occasionnelle de se remémorer. Elle a une intention permanente de tout se remémorer. Ou pour être plus précis, elle a dû en avoir une, autrefois. Et elle est restée activée.
Pour moi (quand on est psy, on ne se refait pas) c’est névrotique. Et vous n’imaginez pas la puissance d’une névrose. On a ainsi connu des sujets physiquement paralysés par une névrose hystérique. D’autres qui ont perdu tout souvenir d’un événement ou d’une période de leur vie. Etc. Pourquoi une névrose ne pourrait-elle pas exacerber la mémoire épisodique ? C’est d’autant plus plausible que les autres mémoires de Jill Price ne sont pas extraordinaires.
L’hypermnésie et l’intention névrotique de mémoriser
« Alors l’hypermnésie ce serait seulement dû à une intention névrotique de tout retenir ? »
Je n’irais pas jusqu’à généraliser. Tout le monde n’en souffre pas. Mais quand l’hypermnésie est douloureuse, c’est sans doute une hyperthymésie due à une intention névrotique de tout retenir, oui..
« Donc chez Veniamin et Jill Price, ce serait névrotique… »
Hummm… Chez Jill Price, oui, je pense.
Chez Veniamin, c’est moins certain
On sait quand même qu’il avait redécouvert seul le procédé dit du parcours, un dérivé de la méthode des lieux. Cela consiste, en gros, à associer mentalement et de façon imagée les items à retenir aux différents points du parcours.
Or son premier parcours, c’est la cour sur laquelle donnait sa maison natale, puis une rue du village. C’est donc un indice qu’il avait déjà mémorisé beaucoup de choses étant enfant. Plus tard, habitant Moscou, il y ajoutera la rue Gorki, qu’il connaît bien.
Donc, les premières associations se font sur des lieux de son enfance. Ensuite, sur un lieu proche de chez lui. Pour autant, peut-on dire qu’il a eu dans l’enfance un désir névrotique de ne rien oublier ? Il faudrait que je reprenne le livre de Luria, mais je ne me souviens pas qu’il se soit fait l’écho d’une telle réalité.
En revanche, il s’agit bien d’une hyperthymésie puisque ses mémorisations semblent liées à ce qu’il vit au moment de mémoriser : les circonstances, les gens présents, les synesthésies qui le parasitent. Mais dire cela ne permet pas de conclure à un phénomène névrotique originel. Je le subodore, mais je ne peux pas le prouver.
Chez Marilu Henner, Bob Petrella et d’autres… ce n’est pas le cas
Aucun d’entre eux ne semble avoir eu un tel désir névrotique de tout mémoriser. D’ailleurs, ils ne sont pas submergés par des remémorations intempestives. On pourrait dire la même chose de Kim Pick. Du reste, son hypermnésie n’était pas réservée à sa mémoire autobiographique. Son hypermémoire fonctionnait aussi à plein régime sur le plan sémantique. Et il pouvait dessiner de mémoire une ville entière vue du ciel après un quart d’heure de ballade en hélicoptère…
De fait, ce cas était d’un tout autre ordre, car il souffrait d’une anomalie cérébrale congénitale. Son hypermnésie avait très certainement une autre origine. D’autres hypermnésiques contemporains comme Daniel Tammet ou Stephen Wiltshire sont considérés comme autistes Asperger. Le premier est synesthète, comme Veniamin, et plutôt doué pour la mémorisation des chiffres. L’hypermnésie du second est hyperspécialisée : il peut, comme Kim Pick avant lui, dessiner une ville entière vue du ciel.
Aucun d’entre eux n’a fait état d’un désir irrépressible de tout retenir. Pour moi, la présence d’un tel désir fait la différence entre l’hypermnésie autobiographique « tranquille » et l’hypermnésie autobiographique (hyperthymésie) névrotique ».
Névrose et hypermnésie autobiographique (hyperthymésie)
Visiblement, l’hypermnésie n’est pas jamais généralisée. Et, surtout, il n’y a pas d’origine unique à cette singularité. Pour le moment, j’en vois trois… plus une!
– une anomalie cérébrale, congénitale ou accidentelle. C’était le cas de Kim Pick.
– un trouble neuro-développemental précoce : c’est le cas de Daniel Tammet et de Stephen Wiltshire
– un trouble névrotique : ce serait le cas de Jill Price, et peut-être de Veniamin.
Dans les deux premiers cas, n’importe quelles mémoires peuvent être affectées de façon spécifique. La mémoire autobiographique n’est pas prépondérante. Et ces surdoués de la mémoire malgré eux ne souffrent pas de leur hypermnésie.
Dans le troisième cas, au contraire, l’hypermnésie est uniquement autobiographique. Et la souffrance est souvent présente. Conclusion : apparemment, on ne peut souffrir que de l’hypermnésie autobiographique.
« Si je comprends bien il n’est pas souhaitable d’être hyperthymétique. Ça fait toujours souffrir… ».
Non. Enfin, pas toujours. Je n’ai pas dit que toutes les hypermnésies autobiographiques font souffrir. Je dis qu’elles font souffrir quand elles sont névrotiques. Mais si ce n’est pas le cas, non.
Les hypermnésies tranquilles
« Ah ! Donc il y a des hypermnésies autobiographiques qui ne sont pas névrotiques et qui ne font pas souffrir… ».
Bien résumé. Je vous disais que je voyais trois origines possible, plus une… A savoir celle des hypermnésies tranquilles. L’ennui, c’est que nous ne savons pas en quoi consiste ce quatrième mécanisme.
Il serait à l’oeuvre chez Marilu Henner et Bob Petrella, des hypermnésiques autobiographique qui n’en souffrent pas. Après la publication du cas Jill Price, les chercheurs ont trouvé d’autres hypermnésiques : ils ont pour noms Rebecca Sharrock, Joey DeGrandis, Brad Williams et bien d’autres. Ils ne semblent pas tous souffrir de leur mémoire..
« Et ils n’ont pas d’anomalies cérébrales ? Ils ne sont pas autistes ? »
L’hypermnésie, une hyperconscience du passé
Pour répondre à votre question, non. Ils ne sont pas autistes et n’ont pas d’anomalies cérébrales. Tout au plus peut-on noter que les aires cérébrales concernées par la mémoire autobiographique sont un peu plus denses que chez vous et moi. Cela n’est pas significatif.
« Oui, mais pourquoi une hyperconscience du passé ? ».
Bonne question. En plus, je vous rappelle que chez ces hypermnésiques “tranquille”, c’est une hyperconscience à la demande. Alors que chez les « névrotiques » elle est envahissante et irrépressible. Mon hypothèse est que ce dernier cas résulte d’un désir pathologique de ne rien oublier qui a fini par s’emballer hors de tout contrôle. Pour le moment, ce n’est pas prouvable. Les cas sont trop peu nombreux.
J’ai néanmoins trouvé un témoignage intéressant, celui d’Amélie Nothomb. Elle est connue pour avoir appris un dictionnaire des prénoms au début de son adolescence. Avant de passer carrément au Larousse au seuil de l’âge adulte…
Le cas Nothomb, le modèle de l’hyperthymésie névrotique ?
En 2001, elle a été interviewée par l’écrivaine Laureline Amanieux qui tenait alors un site Internet qui lui était dédié. Voici ce qu’elle lui a confié (c’est moi qui ai mis certaines parties en caractères gras)…
Je suis devenue très précisément anorexique le 5 janvier 81 : à l’époque c’était encore la sainte Amélie (…). Ma sœur et moi, on a commencé ce jour-là. Le projet était tellement surhumain que je voulais maîtriser tout, notamment le temps, et toutes les nuits à partir du 5 janvier 81, je faisais défiler dans ma tête toute ma vie : 5 janvier, 6 janvier, 7 janvier… Je devais me rappeler absolument de tout, tout ce qui m’était arrivé, surtout les choses les plus insignifiantes.
C’est très vite devenu une maladie parce que ça a beaucoup trop bien marché, à tel point que la nuit, ça s’enclenchait tout seul. Et encore maintenant, je dois lutter contre ça. Or, je me suis rendu compte que c’était très douloureux, que c’était de la folie ! Il y a des choses qu’on n’a pas envie de revivre : donc je devais lutter contre cette hypermnésie que j’avais moi-même installée.
http://nothomb.amelie.online.fr/fr/membres.lycos.fr/fenrir/nothomb/laureline.htm
La mécanique de l’hypermnésie autobiographique névrotique
Je suis persuadé qu’il existe bien une hypermnésie spécifique déclenchée par un désir névrotique. C’est ce dernier qui met en route la machine à retenir. Mais, quand elle a été mise en route de cette façon, elle s’emballe. Il devient impossible ou difficile de l’arrêter. On ne peut pas en dire plus pour l’instant.
C’est ce qu’explique très bien Amélie Nothomb. Tout commence par une intention, volontaire, consciente de tout retenir, jusqu’aux moindres détails insignifiants. Il y a un avant et un après, c’est datable. L’effet n’est pas instantané, mais la machine monte vite en régime. Ensuite, ça s’emballe comme si le bouton était coincé sur « on ».
Dans les cas où l’hypermnésie est permanente et insupportable, il y a eu clairement un jour fondateur et datable. Certes, Jill Price ne dit pas explicitement qu’elle a voulu tout retenir à partir du déménagement. Mais cela se lit entre les lignes. Quant à Veniamin, comme je l’ai dit plus haut, on ne sait pas. Je vais relire le bouquin de Luria…
« D’accord, mais pour les cas « normaux ? Comment s’explique l’hypermnésie ? Vous dites qu’il faut supposer une quatrième origine dont on ne sait rien, c’est un peu court.».
Les cas d’hypermnésie « tranquille »
Ma foi oui, c’est un peu court. En fait, on manque de cas. Pourtant, à la suite de la publication du livre de Jill Price, le service de James McCaugh a été débordé d’appels. Il a fallu soumettre les “postulants” à des batteries de tests.
En fin de compte, peu en sont ressortis estampillés hypermnésiques. MaCertes, d’autres chercheurs s’y sont mis de par le monde et une petite trentaine de cas ont été répertoriés. Mais c’est trop peu pour une étude statistique sérieuse.
Plusieurs d’entre eux collaborent avec des chercheurs, comme Veniamin en son temps. Je n’ai pas réussi à avoir accès à ces études. La seule chose que je sais c’est que certains ont des difficultés rappelant celles de Jill Price et des traits obsessionnels. C’est déjà ce que le psychologue Gary Marcus avait déterminé chez Jill lors de ses entretiens avec elle. À sa grande fureur d’ailleurs.
Pour les autres, ceux qui ne souffrent pas, je n’ai rien trouvé. Si vous en savez plus que moi sur la question, je vous serais reconnaissant de me faire signe… Pour moi, le mystère reste entier concernant ce que l’appelle l’hypermnésie « tranquille ».
Marilu Henner ou Bob Petrella.
Pour ces deux-là qui sont très connus à la télévision américaine, je pensais trouver plus d’informations. Ce que j’ai trouvé ne pèse pas très lourd…
L’actrice Marilu Henner a tenu le rôle d’une tante atteinte d’Alzheimer dans la série américaine Unforgetable. Elle a déclaré dans une interview : « ce serait la pire chose qui pourrait m’arriver ». Pour elle, c’est clair, mieux vaut être hypermnésique qu’amnésique…
Cela dit, j’ai essayé de comprendre une interview dans laquelle elle parle de sa mémoire, sans succès. Elle parle comme une mitraillette (pour vous donner une idée, imaginez Françoise Sagan en anglais…) et je n’ai rien compris. Mais je n’ai pas l’impression qu’elle en souffre.
Quant à Bob Petrella, il explique dans une interview : «J’ai tout de suite remarqué que j’avais une bien meilleure mémoire que les autres (…). Je vis avec et je me suis habitué sans trop de difficulté». Il raconte avec bonhommie que ça lui a été égal d’avoir perdu son téléphone mobile : il n’avait jamais inscrit le moindre numéro de téléphone dedans, sa mémoire lui suffisant. Bref, son hypermnésie n’a pas l’air de le travailler le moins du monde.
Conclusion…
Mon hypothèse est que nous sommes tous hypermnéques en terme de stockage des informations que nous mémorisons jour après jour. En revanche nous n’avons généralement pas une hyperconscience du passé.
Les hypermnésiques autobiographiques tranquilles ne l’ont pas non plus.. En revanche, leurs voies d’accès aux informations mémorisées restent activées en permanence, alors que les nôtres se désactivent au fil du temps. Je ne saurais dire pourquoi.
Les hypermnésiques autobiographiques névrotiques cumulent, quant à eus, l’activation permanente des voies d’accès ET probablement une absence de filtre au niveau de la mémoire à court terme. Cette dernière, en effet est l’antichambre de la mémoire à long terme. Toutes les informations passent par là avant d’y être stockées et y repassent dans l’autre sens au moment du rappel.
Il faut normalement une intention de se rappeler pour ouvrir le portillon de sortie entre la mémoire à long terme et la mémoire à court terme. L’intention névrotique bloque le portillon en position ouverte.
Toutefois, il manque encore la confirmation scientifique de ce schéma. Si la recherche publie des avancées sur ce point, je ferai une mise à jour. Si vous êtes abonné, vous serez averti. Ça vous intéresse ?
Et si j’essaye de développer une hypermnésie névrotique sémantique ?
vous pensez que ce serait possible ?
Je suis perplexe !
Mais si vous êtes capable de vous développer une névrose tout seul, je vous laisse faire… Quant à moi je n’essayerais même pas. Je pense qu’on à assez à faire avec nos névroses « naturelles », pas la peine d’en rajouter !
Très intéressant, je pense que je le suis … un peu .., très douloureux à vivre pour moi … et pour les autres !
Très douloureux pour moi … et pour les autres que l’on fatigue …
Ah oui, il faut faire attention à ne pas trop décourager les « moyenmnésiques » qu’on peut saouler en ayant trop bonne mémoire. Quant au côté douloureux je n’ai malheureusement pas d’idée pour atténuer cela. Merci en tout cas pour votre témoignage.
Merci pour cet article très intéressant !
R e m a r q u a b l e, avec beaucoup d’intérêt pour la suite de l’aventure !
Merci pour le partage hors du cadre du métier de scientifique…
DidierS.
Merci pour cette appréciation.
Moi qui trouvait que c’était un peu longuet et le plan un peu tortueux…
Je suis toujours heureux de connaître les avis des lecteurs, positifs ou
non d’ailleurs.
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Me suis casé dans la longue liste des esprits intéressés & enthousiastes !
Bien à vous,
Didier Souris
Super ! J’espère que les articles suivants seront à la hauteur de vos attentes…
perso je pense que il ne vaut mieux pas se rappeler de tout, parce qu’il y a des informations qui ne sont pas utiles à mémoriser.
En tout cas c’est un sujet très intéressant et encore plus la synesthésie
My god ! Je n’avais pas encore répondu à votre commentaire… mieux vaut tard que jamais! En général une mémoire « moyenne » se charge très bien de ne pas mémoriser à long terme ce qui ne l’intéresse pas :-), ça se fait tout seul ! Merci pour votre appréciation.