Le Club Memori
Pour ceux qui veulent comprendre, maintenir et améliorer leur mémoire.
Vulgarisation scientifique, méthodes, trucs et astuces pour bien mémoriser.

17 idées fausses sur la mémoire
deuxième partie

Lors du précédent article, j’avais été surpris du développement nécessité par  le démontage de certaines idées fausses. Du coup, pour ne pas trop charger, je m’étais arrêté à la sixième de la liste… On reprend donc aujourd’hui au numéro 7.

– « Que voulez-vous, moi j’ai toujours eu une mémoire de poisson rouge ».
– « Moi non, avant ça allait, mais plus maintenant avec l’âge… c’est comme ça, il n’y a rien à faire ».
– « Moi Je retiens rien, je suis nul à l’école, c’est pas de ma faute, je suis comme ça ».

Comme vous voyez cette plainte existe à tous les âges. Mais toutes ces affirmations sont fausses et archi-fausses. L’ennui c’est qu’elles sont bien ancrées dans la tête des gens. Les idées reçues ont la vie dure, surtout quand elles sont fausses (ben oui, il y a des idées reçues qui peuvent s’avérer justes après tout…).

Je passe sur l’injure qu’on fait aux poissons rouges. On les étudie depuis quelques années et (scoop!) ils ont de la mémoire vous savez…

Idée fausse n° 7: il n’y a rien à faire
contre la mémoire qui flanche

Scientifiquement parlant, on n’a aucune raison de suspecter qu’on puisse naître avec un bonne ou une mauvaise mémoire. Ça, c’est l’idée fausse numéro 1 (voir l’article précédent). Que la mémoire décline avec l’âge est aussi une idée reçue.

C’est ce qu’on disant quand on se contentait de faire faire des exercices de mémorisation à des personnes d’âges divers. On constatait alors que les personnes les plus âgées pouvaient avoir un résultat jusqu’à 2 fois moins bons que les personnes les plus jeunes.

Conclusion facile: les seniors mémorisent moins bien que les juniors. Ben c’est faux. Pour au moins deux raisons.

Pourquoi ça ne tient pas la route

  • D’abord les exercices de mémorisation portent sur des listes aléatoires de mots ou des nombres. Vous faites ça souvent dans la vie courante vous? Ces tests ne mesurent qu’une seule chose: la capacité à mémoriser des listes aléatoires de mots… En temps limité, les plus jeunes sont meilleurs à ce jeu-là.. Mais ça n’existe pratiquement pas dans la vie.
  • De plus il suffit de rallonger le temps d’apprentissage pour obtenir l’égalisation… En refaisant les expériences en rallongeant le temps on constate deux choses intéressantes. D’abord les « meilleurs » n’augmentent pas leur performance pour autant. Ensuite les « moins bons » font jeu égal avec les premiers

Première conclusion: il n’y a donc pas de différences significatives entre les uns et les autres en matière de mémorisation. Mais en matière d’efforts à faire oui. Mais encore est-ce pour des tâches quasiment inexistantes dans la vie courante.

Par ailleurs, il est prouvé qu’on obtient le meilleur rappel lorsqu’on a la meilleure consolidation. Or plus vaste est la base de connaissances préétablies  et meilleure est la consolidation.  Avantage donc à l’expérience!

Sauf que jusqu’à ce jour elle est évacuée de ce type d’expérience. Il faudrait tester la mémorisation d’informations utiles à un métier ou à une activité donnée. Et comparer la performance des débutants à celles des plus aguerris. Là, j’ai comme une impression que les bons résultats changeraient de camp.

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Alors il n’y a vraiment rien à faire?

Ma conclusion du jour c’est que si la tâche de mémorisation est inusuelle pour vous, vous devez peut-être y passer plus de temps si vous êtes plus âgé.  SI vous avez le sentiment que vous êtes sous-performant, c’est que vous ne tenez pas compte du facteur temps. Prenez plus de temps et vous ferez aussi bien.

Et votre petit-fils qui « ne retient rien »?

Est-il intéressé par ce qu’il apprend à l’école? D’après vous, est-il attentifs aux cours? Est-il motivé pour apprendre à la maison? Pour réviser?

Il n’y a pas vraiment de mystère. Dans l’écrasante majorité des cas, la mémorisation est corrélée à la qualité de l’attention. Laquelle dépend de l’intérêt qu’on porte à l’objet de l’apprentissage. Et, naturellement, la majorité des élèves ou des collégiens qui ne « retiennent rien » sont des inattentifs. Et dans la plupart des cas inattentifs parce que non intéressés.

Est-ce à dire qu’il n’y a rien à faire? En tant que psychologue j’ai reçu beaucoup de jeunes gens qui avaient ces difficultés. Ils ne retenaient rien. Mais, choses curieuse, s’ils étaient passionnés de football, ils connaissaient par cœur, sans jamais avoir eu à les apprendre, le nom de tous les joueurs de toutes les équipes.

Et, bien sûr, tous les résultats des matches. Pareil pour les accros aux séries TV ou à l’heroic fantasy. Comment peut-on être une passoire à l’école et une encyclopédie dans ces domaines? La réponse tient en quelques mots: intérêt, passion, attention.

Alors il n’y a vraiment rien à faire ? 

SI, il y a quelque chose à faire. La plupart du temps il faut se déconnecter du temps scolaire. Apprendre à apprendre autrement. Par morceaux, par petits bouts. Il est rare qu’on puisse sauver l’année en cours dans ces conditions. Il faut en prendre son parti.

Selon moi, il est même souhaitable (dans les rares cas où on peut se le permettre), de faire l’école à la maison. A condition d’avoir sous la main un « éducateur » bienveillant et entraînant.

On coupe en tranches les choses à apprendre. Ensuite on en discute. On vérifie la compréhension. Si ce n’est pas compris on explique autrement (j’ai toujours été fasciné par les enseignants qui, face à un élève qui ne comprend pas, lui réexpliquent à l’identique…). On en fait des résumés. On les lit régulièrement.

Ce blog n’étant pas voué à l’enseignement auprès des élèves en difficulté, je n’irai pas plus loin ici. Mais il est clair pour vous, j’espère, que dans les cas cités ici, ce n’est pas la mémoire qui flanche. Ce n’est même pas un problème de mémoire du tout.

Idée fausse n° 8: les oublis répétés annoncent un début de maladie d »Alzheimer

Cela m’a étonné les premières fois. Mais j’ai dû me rendre à l’évidence: beaucoup de gens ont peur d’être atteint par la maladie d’Alzheimer. Pourquoi? A cause de « signes » qu’ils repèrent et dont ils ne veulent d’ailleurs surtout pas parler à leurs proches.

Quels sont ces signes?

En premier lieu les oublis répétés. Mais aussi le fait de vous retrouver dans une pièce en ne sachant plus ce que vous étiez venu y chercher. Le sentiment qu’on a oublié de faire quelque chose mais quoi? Ne plus savoir où est garée votre voiture en sortant du supermarché. Ne plus avoir où vous avez posé le livre que vous étiez en train de lire. Etc.

Tout cela est fort banal. En cause en effet, dans tous ces cas, un banal déficit d’attention au moment opportun. En cause, dans tous ces cas, des comportements routiniers, sans attention ni pensée.

C’est ce qu’il se passe notamment quand on fait trop de choses à la fois. On en fait alors certaines en pilotage automatique. Pour celles-là il n’y a aucune mémorisation. Ou, plus exaucement aucune mémorisation sur le plan cognitif. Mais tout de même un peu de mémorisation procédurale, c’est à dire liée à l’action physique et au mouvement.

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C’est pourquoi, pour retrouver où diable vous avez posé vos clés il est intéressant de repartir physiquement là où vous êtes sûr de les avoir eu encore en main. Puis de refaire votre trajet dans la maison. Vous refaites les mêmes gestes et, très souvent, vous les retrouvez ainsi. « Ah oui c’est vrai! Je les avais posé là parce que… ».  Pour en savoir plus voyez l’article « Comment vous rappeler où vous avez mis vos clés?« .

Le rôle de l’anxiété et du sommeil

Parmi les grands ennemis de la mémoire, il y  l’anxiété, le stress, la dépression. Ils ont pour effet de perturber l’attention et d’interdire la concentration. Comme par hasard le premier maillon de la mémorisation. D’où des difficultés à « imprimer » et donc à se rappeler.

Le manque de sommeil peut aussi provoquer les mêmes symptômes. On sait maintenant que pendant la première phase du sommeil le cerveau entreprend la consolidation des acquis de la journée. Le manque de sommeil, le sommeil décalé (travail posté), le sommeil de mauvaise qualité perturbent ce travail de consolidation.

De plus, le lendemain, vous avez des perturbations de l’attention. Cela devient vite un cercle vicieux, D’autant plus que la mauvaise qualité du sommeil peut être causée par l’anxiété. Tous ces effets négatifs se cumulent alors. Mais pas d’Alzheimer en vue pour autant!

Quels sont en fait, les signes annonciateurs de la maladie d’Alzheimer ?

Les troubles de la mémoire figurent parmi les troubles ‘Alzheimeriens’. Parmi beaucoup d’autres. Ceux indiqués au début de cet article ne sont en rien spécifique de la maladie l’Alzheimer. On pourrait s’inquiéter à meilleur escient en cas de:

  • achats répétés plusieurs fois du même objet
  • questionnement identique plusieurs fois de suite
  • oubli du nom de la personne qui vient de partir
  • non reconnaissance de visages familiers
  • désorientation, errance
  • impossibilité de retrouver le nom des choses
  • le fait de « tourner en rond » sans rien faire d’efficace

Ces symptômes (parmi bien d’autres) sont nettement plus évocateurs de la maladie d’Alzheimer, surtout s’ils sont cumulés. A l’évidence, dans ces cas-là il est prudent de consulter.

Idée fausse n°9: on perd la mémoire
au fur et à mesure qu’on perd des neurones

C’est une idée tenace. Surtout chez les personnes âgées. Mais pas que. J’ai même du consacrer tout un article à cette question: « Est-ce qu’on perd la mémoire quand on perd ses neurones?« .

Je vous résume le propos. D’abord la réponse est non. Un enfant de 4 ans a déjà perdu la moitié de ses neurones. Dans le même temps il a mémorisé un nombre de choses complètement ahurissant. Dans cette période, seuls des circuits neuronaux inefficaces ont été abandonnés.

D’autre part, si des circuits neuronaux se montrent très spécialisés, d’autres sont plus « généralistes »  Certains circuits sont utilisés fréquemment et d’autres moins. Ils n’ont pas tous la durée de vie.

Mais le cerveau a une faculté extraordinaire: la plasticité. Il faut savoir que si des circuits neuronaux sont fixes, autres non. Que tous évoluent. En fonction de votre expérience, de vos pratiques, de vos intérêts vous vous  fabriquez votre propre organisation sur mesure.

Le cerveau est évolutif

Dès que vous pratiquez une activité plus intensivement, ou une activité nouvelles, les zones cérébrale impliquées s’étoffent, augmentent la densité de leurs connexion, et cela à une vitesse phénoménale.

Quand un neurone disparaît, il est probable qu’il ne se suicide pas subitement. Après tout il n’y a aucune raison que tous les neurones aient la même durée de vie. Pas plus que nous les humains. Certains travaillent plus et s’usent plus vite.

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En quelque sorte, on peut même supposer que les neurones disparaissent lorsque leur « compte pénibilité » est vraiment au taquet. Pour autant il ne disparaît pas forcément du jour au lendemain.  Le ferait-il que, grâce à la plasticité cérébrale, un autre prendrait le relais.

La plasticité cérébrale

Cette plasticité montre son extraordinaire pouvoir lors d’un (accident vasculaire cérébral. En cas d’AVC, en effet, il y a une perte très rapide de plusieurs millions de neurones par minute. C’est considérable.

Néanmoins, lorsqu’il y a eu une prise en charge rapide en hôpital et que l’hécatombe est jugulée, la régénération des circuits peut s’enclencher. Les neurones morts ne ressuscitent pas. Ils sont morts et bien morts. %ais de nouveaux circuits peuvent se mettre en place.

Cela demande généralement de la rééducation pour réapprendre à marcher, à parler. Petit à petit des circuits de remplacement se créent. L’hémiparalysie faciale disparaît, le langage parlé redevient normal. La mobilité reprend ses droits.

Or j’ai calculé ma perte de neurones à la minute. En tenant compte de mon âge et de la perte moyenne par jour supposée (50.000) j’arrive au chiffre mirobolant de… 35 malheureux neurones par minute! Rien à voir avec les 200 à 400 millions par minutes au début d’un AVC.

Il est évident  que le cerveau va s’en accommoder. Et puis surtout un souvenir est toujours complexe et n’est pas conservé dans un neurone. Mais plutôt dans un circuit neuronal qui représente cette information. C’est toute une chaîne. Et les synapses (connexions entre neurones) participent elles-mêmes au stockage.

Alors décidément non, la mémoire ne faiblit pas avec la perte naturelle des neurones.

Idée fausse n° 10: Les neurones
ne se régénèrent pas

Je l’ai moi-même écrit au début des années 90. Je plaide coupable mais j’ai des circonstances atténuantes. Tout comme aujourd’hui, je me fondais sur les travaux de recherche scientifique. La vulgarisation scientifique, c’est mon dada…

Or, à l’époque c’était un dogme scientifique: les neurones ne se régnèrent pas. Point à la ligne. J’ai appris plus tard qu’un chercheur avait pourtant déjà mis en évidence une telle régénération chez, je crois bien, le cochon d’Inde. Du moins, un animal de laboratoire. Silence total au lendemain de sa publication…

En 1995 une équipe de recherche montre que le canari perd des neurones avant l’hiver puis les régénèrent au printemps. Il semblerait qu’ainsi il oublie son chant de l’année précédente et en invente un autre pour la nouvelle saison.

Les neurones se régénèrent-ils chez l’homme? 

En 1998 des chercheurs suédois montrent une production de neurones « neufs » dans le cerveau humain. En 1999 ils trouvent que ce sont ces cellules souches qui donnent naissance à ces nouveaux neurones.

Régénération est sans doute un abus de langage. On n’a jamais vu un neurone se diviser pour donner naissance à un nouveau neurone. La production de neurones par des cellules souches, c’est un  processus différent. Mais cela rajeunit; « congénère » le cerveau.

Les recherches sont très actives dans ce domaine.. Ainsi, à l’institut Pasteur et au CNRS, des équipes du professeur Pierre Marie LLEDO travaillent là-dessus. Elles sont en lien avec d’autres équipes, notamment  en France et en Allemagne.

On sait maintenant que ces neurones migrent dans le rhinencéphale, notre cerveau le plus « ancien ». Bien souvent ces études concernent, certes, des souris. On sait que chez elles, les nouvelles informations à mémoriser sont préférentiellement prises en charge par ces  neurones tout neufs. On peut suivre ces derniers, en effet,  grâce à des marqueurs fluo.

Et la mémoire humaine dans tout ça?

Apparemment on ne peut pas encore en dire autant pour l’être humain. Mais une équipe suédoise a montré il y a quelques années une production importante de nouveaux neurones dans… l’hippocampe humain. Or l’hippocampe est une structure extrêmement impliquée dans la mémorisation.

Tout ce qui est susceptible d’être mémorisé passe par là. C’est l’hippocampe qui pilote la mémoire à court terme. C’est l’hippocampe encore qui aiguille les informations à stocker vers la mémoire à long terme.

Ce que je remarque surtout, c’est que cette production se poursuit même dans le grand âge. Alors on perd peut-être des neurones un peu partout. Mais on en gagne dans les zones critiques pour la mémoire.

Et si j’en crois le professeur LLEDO la production de nouveaux neurones est stimulée par l’activité physique et l’activité cognitive. Donc soyez actif et curieux. Variez vos centre d’intérêt et cela jusqu’au bout de votre vie, votre cerveau vous en sera reconnaissant. Tel est son credo.

C’était déjà le mien dans les années 80/90.
Je ne suis donc pas près de changer d’avis.

Et vous , qu’est ce que vous en pensez?