Cela voudrait dire que vous ne pourriez pas former d’image mentale dans votre esprit. Il semble bien que ce soit mon cas. J’ai découvert ça en travaillant sur la question. Et pourtant j’ai toujours utilisé les images mentales pour mieux mémoriser certaines choses ! Ca parait complètement contradictoire et pourtant c’est ainsi.
Je suis en train de rédiger un gros article sur la question. Mais comme je l’avais annoncé à mes abonnés il y a largement 2 mois, et qu’il n’est pas encore paru, je me suis dit que j’allais quand même vous donner un minimum d’information sur cette question pour patienter…
Pour la plupart d’entre vous l’aphantasie est probablement un concept complètement nouveau. Il faut dire qu’on n’en parle pas dans les media populaires. La Science elle-même s’y est intéressé tardivement. Mais on voit sortir aujourd’hui des études sur la question, en quantité croissante.
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D’abord, c’est quoi l’aphantasie ?
Comme dit plus haut, ça se définit comme un incapacité à former des images mentales dans son esprit. Les personnes atteintes d’aphantasie rapportent souvent qu’elles ne peuvent pas « voir » des images mentalement. Par exemple, elle ne peuvent pas « voir mentalement » le visage de leurs proches.
Mais bien sûr, c’est généralement valable aussi pour d’autres images. Et cela, que ce soit des images d’objets, fixes ou mobile, de plantes, de paysages, d’animaux etc. Sans oublier des images créées à la demande comme on le fait communément quand on veut faciliter la mémorisation de certaines informations.
Communément n’est peut-être pas le mot juste. Disons que c’est commun pour ceux qui, comme moi, utilisent les images mentales dans ce but. Et c’est là le coté aberrant de ma situation. J’utilise des images mentales et pourtant je ne les vois pas ! J’y reviendrai dans le prochain article sur la question.
Mais l’aphantasie ne concerne pas que les images visuelles. On parle aussi d’images auditives ou olfactives par exemple. C’est une façon de parler, évidemment. Ainsi certaines personnes ne peuvent pas entendre une musique dans leur tête ou ressentir mentalement une odeur. Et, bien sûr, on peut être aphantasique pour les images visuelles et pas du tout pour les images auditives. ou vice versa…
Pour ma part je peux très bien entendre mentalement un air de la Traviata par Maria Callas ou par Natalie Dessay, selon mon propre choix. Je peux même décider d’entendre mentalement l’Auvergnat de Brassens avec la voix de Bénabar ou celle de Piaf ! Cela fonctionne très bien. On peut être aphantasique sur un plan et pas sur un autre.
S’agirait-il d’un manque d’imagination ?
C’est ce qui découlerait du terme même d’aphantasie. Mais non… Les personnes atteintes d’aphantasie peuvent même être très créatives et… imaginatives sans images. D’après ce que j’observe sur moi-même, elles utilisent probablement des « concepts d’images » et des « descriptions sémantiques d’images » pour compenser l’absence d’images visuelles à proprement parler, pour penser, mémoriser, créer.
Lors de mes recherches, je me suis aperçu du fait que certains artistes sont atteints d’aphantasie. J’ai même trouvé deux artistes peintres connus dont c’est le cas. Même chose pour « l’aphantasie musicale ». Mais là, j’ai plus de mal à imaginer comment se fait la compensation.
En tout cas, ni la créativité, ni même l’imagination ne semble manquer systématiquement aux aphantasiques. Evidemment, il n’est pas exclu qu’un aphantasique manque d’imagination. Mais un non aphantasique peut aussi très bien en manquer ! Alors que, pourtant; il peut se faire des images visuelles. Autrement dit, le manque d’imagination vient d’ailleurs. D’après mon expérience, c’est plutôt en grande partie psychologique. Alors que l’aphantasie est clairement neurologique.
Que dit la neurologie sur l’aphantasie ?
Dans l’écrasante majorité des cas connus, il semble que l’aphantasie soit très ancienne. Autrement dit on naîtrait aphantasique. Ce qui nous amène à l’idée que l’aphantasie est due à des facteurs neurologiques d’origine génétique.
Toutefois on connait des aphantasies tardives dues à des lésions cérébrales. Par exemple à la suite d’un AVC, d’un traumatisme crânien ou d’une crise d’épilepsie sévère. Je suis aussi en train d’étudier des résultats de recherche assez troublants, concernant l’occurrence de l’aphantasie dans certaines familles. Dans ces cas-là, on pourrait parler d’aphantasie héréditaire.
Quoi qu’il en soit, on ne décide pas de devenir aphantasique. La plupart du temps on nait avec. Pour autant, la majeure partie des personnes atteintes (et généralement depuis très longtemps) ignore l’être… je suis bien placé pour le savoir. Les effets de l’aphantasie leur sont connus: notamment le sentiment de ne pas être au même niveau que les autres.
Par exemple j’ai noté le cas d’une personne qui pensait que « visualiser » était une métaphore. Elle a été choquée lorsqu’elle s’est rendue compte que les personnes dont elle était proche visualisaient vraiment en esprit. Apprendre que l’on n’a pas une organisation neurologique « normale » peut en effet impacter certaines personnes. Je vous rapporterai prochainement les dernières avancées de la neurologie dans la compréhension de l’aphantasie.
Aphantasie et mémoire
Vous vous en doutez un peu, si je me suis intéressé à l’aphantasie, c’est qu’il y a un rapport avec la mémoire…
On a des raisons de penser que les souvenirs formés à partir d’une entrée visuelle (ce qu’on a vu, donc) ne sont pas aussi bons chez les aphantasiques. La recherche est encore à venir sur ce point. Mais on sait déjà que des aphantasiques secondaires (qui ne sont pas nés avec) rapportent ces difficultés, qui sont parfois sévères. Certains compensent par des commentaires verbaux (en esprit) de ce qu’ils voient pour mieux le retenir.
Toutefois, en cas d’aphantasie « acquise » par un AVC par exemple, il reste à déterminer si ce problème de mémorisation découle directement de cette aphantasie ou s’il s’agit d’un symptôme parallèle à l’aphantasie découlant directement de l’AVC. C’est ce genre de cas qu’il va falloir débrouiller.
Pas mal d’aphantasiques évoquent toutefois des difficultés à se souvenir des événements, surtout s’ils sont émotionnels semble-t-il. Je développerai cet aspect dans le gros article en préparation.
Je peux déjà dire que beaucoup d’aphantasiques conscient de leur état développent des moyens de contournement. La plupart du temps il remplacent les images par des descriptions verbales, une peu comme un commentaire d’image.
Et si l’aphantasie avait aussi des avantages ?
C’est peut-être étrange mais certains aphantasiques l’affirment ! Ils se trouvent parfois plus attentifs et capables de concentration que la moyenne. L’explication retenue pour l’instant est qu’ils ne peuvent pas être impactés par des images mentales intrusives. Ils ne peuvent pas rêvasser, par exemple. D’où une attention plus stable.
A l’extrême, on cite le cas d’une personne aphantasique à la suite d’un grave traumatisme physique et psychologique. Elle sait qu’un des symptôme du stress post traumatique la survenue de flashbacks intempestifs qui font revivre la scène traumatique à la victime. Elle se félicite d’être incapable de la revoir en esprit !
D’une façon générale, il semble que les aphantasiques aient une meilleure stabilité émotionnelle que les autres. L’incapacité de ruminer les images mentales d’événements douloureux ou stressants y est sans doute pour quelque chose. Ils semblent être moins sujet au stress.
Je serais curieux de savoir s’ils sont meilleurs au poker ! Plus sérieusement, sur le papier, ce pourrait être un avantage dans les situations dans lesquelles le stress est un handicap. Par exemple dans la gestion de crise, dans la négociation, dans les opérations militaires délicates…
Conclusion provisoire…
Vous savez maintenant ce qu’est l’aphantasie. Du moins, vous pouvez vous faire une idée de cet étrange état. L’article en préparation sera peut-être publié à part, sous un autre titre. Si vous êtes abonné vous serez averti le jeudi suivant (je n’envois de notifications que le jeudi, sous réserve qu’il y ait quelque chose à notifier !).
Toutefois, si ce mini article d’aujourd’hui est déjà en bonne position sur Google au moment de la publication, je le reprendrai et le modifierai. Vous n’aurez pas alors de notification automatique mais je vous enverrai un émail pour vous prévenir.
Si vous n’êtes pas encore sur ma liste de diffusion, laissez juste votre émail dans le formulaire quelque part à droite de l’article, ça suffit pour être tenu au courant des nouvelles publications. Et vous ne serez jamais spammé pour quoi que ce soit d’autre.
A bientôt.
Il faut préciser que la mémoire épisodique ne sert pas seulement à se souvenir du passé mais aussi à se projeter dans l’avenir. Formuler des hypothèses d’avenir et prendre des décisions. Les images mentales semblent être un composant essentiel de ce processus baptisé voyage mental dans le temps.
L’incapacité a évoquer des images mentales pourraient avoir des conséquences bien plus profondes par rapport à cette compétence. Une pensée ‘épisodique’ (visuelle et émotionnelle) différente d’une pensée sémantique et verbale.La notion de compensation entre ces deux modes de pensées est peut être trop surévaluée, rien ne prouve qu’elles servent à la même chose.Je pense que les personnes qui décrivent l’aphantasie sont trop complaisantes à se décrire comme ayant un ‘super-pouvoir’ et prétendre que cela n’a pas de conséquences négatives.L’avenir et la science en diront bien plus sur le sujet.
Vous avez raison, elle sert aussi à se projeter, ce qu’on appelle parfois la mémoire prospective. Je suis d’accord aussi sur le fait que visuel et émotionnel d’une part et sémantique et verbal d’autre part ne sont aucunement équivalent, ça va de soi. Les compensation sont a priori pas plus que ce qu’elles sont, des compensations… Je n’ai toutefois encore jamais eu connaissance d’aphantasique magnifiant leur état ! Il est d’ailleurs probable que la majorité de ces personnes ne savent pas que les choses pourrait être autrement. Un peu comme les gens qui n’ont pas la vision stéréoscopique et qui ne le savent pas. Sauf qu’on a des cas (rare) où où ils peuvent la découvrir un jour : voir à ce sujet « l’œil de l’esprit » d’Oliver Sacks. La comparaison me parait pertinente mais j’ignore en revanche si un aphantasique pourrait un jour connaitre la « phantasie ».
J’ai été évalué aphantasique et j’ai réussi des études universitaires avancées pour essayer de comprendre le transfert des apprentissages. Présentement retraitée, j’ai décidé d’adhérer à un programme de mécanique automobile, par intérêt, ce qui nécessitent une mémoire visuelle. Plus encore, les mesures et les évaluations utilisées pour vérifier l’apprentissage sont critériées pour atteindre une note de 85 ?ou 90 %, sinon échec, ce que je commence à cumuler.
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Pour apprendre, j’aurais besoin de comprendre globalement l’automobile, les pièces et son fonctionnement. Le programme est par modules et je ne peux pas me situer car j’ai besoin de cette approche globale pour bâtir mon processus d’apprentissage. Je me sens parachutée dans le vide puisque je ne fais pas de liens avec ces modules qui fonctionnent en ‘silo’.
Question: Pour réussir ce programme, je me sens confrontée à le reprendre une seconde fois ? Quel est votre avis/suggestions?
Merci
Bonjour,
Je ne suis malheureusement pas spécialiste de la question.
Ce sujet m’a interpellé à propos de la mémoire parce que, dès qu’on veut l’améliorer, on s’intéresse vite aux images mentales volontaires qui le permettent. Je les utilise moi-même, et il a fallu que je projette cet article pour me rendre compte que je suis incapable de former des vraies images. Et pourtant j’utilise des techniques d’imagerie mais en y regardant de plus près ça ressemble plus chez à des « descriptions d’images » qu’à des images à proprement parler. Mais ça fonctionne et je ne me sens pas handicapé pour autant. J’ai trouvé des témoignages de personnes aphantasiques conscientes (ça n’était pas mon cas) qui ont mis en place des stratégies de compensation. C’est ce qu’il vous faudrait trouver mais je e sens démuni pour vous aider. Je viens d’essayer de visualiser un différentiel et je l’imagine sans le visualiser vraiment et c’est comme si je le voyais quand même je ne trouve pas les mots pour décrire ça et surtout ça s’est fait tout seul sans que que ce soit une stratégie de ma part. J’arrive aussi, quoique parfois difficilement à voir sans voir vraiment mentalement une élévation à partir d’un plan vu de dessus mais je ne ferais surement un bon architecte. Toutefois vous me semblez plus impactée que moi. Ma suggestion serait plutôt d’essayer de trouver d’autres aphantasiques ayant surmonté la difficulté que vous rapportez. Pour cela, je pense qu’il faudrait voir dans des forums de type Doctissimo ou similaire. C’est une démarche que j’ai prévu de faire d’ici quelques semaines pour terminer la version longue de mon article. Essayez déjà ça.
Cordialement
PS comment avez vous été « évaluée » aphantasique ?