LA MÉMOIRE EN PRATIQUE
UN TRUC INFAILLIBLE POUR BIEN MÉMORISER : SOYEZ BAVARD
Il n’est pas obligatoire de vous casser la tête pour mémoriser. Il existe même un moyen ultra simple : être bavard !
Mais, pour comprendre cela, il faut d’abord bien comprendre comment marche votre mémoire.Outre ce qui se trouve ci-dessous, vous pouvez vous aider de cette infographie.
Tout ce que vous vivez ou, si vous préférez, tout ce que vous percevez est stocké dans votre mémoire. En plus ou moins bon état. En fait, la qualité des éléments stockés dépend de plusieurs choses. Essentiellement de :
• votre état général
• votre intérêt pour la matière
• votre motivation du moment
• votre degré d’attention
Déjà, votre état général conditionne votre bon fonctionnement cérébral et donc celui de votre mémoire. Votre intérêt pour le sujet conditionne votre motivation. Votre motivation pré-active vos circuits internes. Une sorte de préchauffage en quelque sorte. Cela améliore aussi votre attention et votre concentration.
Du coup, vous améliorez la précision des informations que vous allez stocker.
Ces informations vont arriver en excellent état dans votre « bibliothèque» cérébrale ».
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Encore faut-il pouvoir vous rappeler…
Toutefois, le stockage n’est pas tout. Encore faut-il avoir accès facilement aux informations. Pour reprendre l’image de la bibliothèque, ce n’est pas parce que vous y avez rangé un livre en excellent état que vous allez le retrouver facilement.
Vous allez vous servir d’indices de rappel.
Par exemple, si vous avez que c’est un roman vous allez limiter vos recherches aux étagères contenant des romans. Si vous savez que c’est d’un auteur étranger, vous allez vous diriger vers la section « romans étrangers ». De même, si sous savez que c’est un roman policier vous allez vous intéresser à la sous-section « policiers ». Et si vous vous souvenez que le nom de l’auteur commence par un D vous allez chercher dans les D.
Dans votre bibliothèque cérébrale, c’est un peu la même chose. Sauf que le cerveau fonctionne de lui-même par association. Par exemple vous venez de regarder une émission avec des amis. Vous êtes tous des amateurs de jazz et l’émission avait pour sujet Ella Fitzgerald.
Les associations permettent l’intégration
Ce que vous avez appris va être intégré par associations aux autres informations que vous avez déjà. Sur l’artiste elle-même. Ou sur d’autres chanteuses de la même veine ou de la même époque. Sur les musiciens qui l’ont accompagnée. Etc.
Ces associations jouent le même rôle que les catégories évoquées plus haut pour retrouver un livre. Donc, plus vous avez déjà d’informations se rapportant à Ella Fitzgerald, plus vous vous remémorez facilement ce que vous venez d’apprendre de nouveau. Vous multipliez ainsi les voies d’accès aux informations nouvelles. Vous multipliez les indices de rappel.
Evidemment, selon les associations avec d’autres connaissances, selon les renforcements (usage, répétition), les chemins d’accès seront plus ou moins nombreux, et plus ou moins faciles. La mémorisation et le rappel seront plus ou moins bons.
Ainsi, lorsqu’une information est mémorisée dans les conditions optimales, avec attention, bien associée, vous avez tout un réseau de routes nationales et d’autoroutes pour vous y mener. Et votre information sera nette et fiable.
Au contraire, il se peut que votre mémorisation se passe mal. Manque d’intérêt, distraction, peu d’associations avec des connaissances préalables… là pas d’autoroute ! Un chemin vicinal peut-être… Et, si vous avez la chance de le trouver, vous n’aurez de toute façon au bout qu’un souvenir assez mal en point, conservé dans l’état où il est arrivé : vague, imprécis.
Bien sûr, ce sont deux cas extrêmes. Assez souvent, l’information est bonne mais peu associée ou bien elle est moyenne mais bien associée. Ce qui, dans les deux cas, donne une mémoire… moyenne. C’est le cas de la plupart des gens.
Pour mémoriser soyez bavard…
Mais vous pouvez faire mieux.
En étant bavard.
Oui, je sais, ça vous parait bizarre.
C’est que, comme la plupart des gens, vous faites une utilisation très moyenne de votre mémoire. Vous ne faites appel qu’à une petite partie de vos ressources cérébrales. De ce fait, toute une partie de votre cerveau « mémoriel » reste sous-utilisée.
Probablement, vous ne pratiquez pas le renforcement.
Pourtant, le renforcement (ou la consolidation, c’est la même chose) est un levier puissant. Il favorise aussi bien la fixation des informations (stockage), leur intégration dans l’ensemble de vos connaissance préexistantes, que leur rappel quand on en a besoin.
Il se fait par les associations, la création de liens, la répétition et, bien entendu, par l’utilisation de vos connaissances. Ce faisant, vous utiliserez plus votre cerveau et vous améliorez vos performances mnésiques.
Sachez que tout cela se prouve en laboratoire au moyen de multiples expériences. Et cela depuis des dizaines d’années. Parmi ces expériences, il y en a qui consistent à mesurer ce qu’il reste de vos apprentissages. Accrochez-vous !
Que retient-on vraiment ?
Selon les auteurs, les résultats varient. Toutefois, un certain consensus se fait autour de la conclusion suivante : vous pouvez mémoriser :
— 10 % de ce que vous lisez
— 20 % de ce que vous entendez
— 30 % de ce que vous voyez
— 50 % de ce que vous voyez et entendez en même temps
— 80 % de ce que vous dites
— 90 % de ce que vous dite en faisant quelque chose à propos de quoi vous réfléchissez et qui vous implique
— 100 % de ce que vous avez appris à faire
Certes, c’est un peu approximatif. Néanmoins, ce tableau montre assez bien l’importance de l’association des sens, des images et de la motivation. Il montre aussi la solidité de l’inscription corporelle de la mémoire (quand vous avez appris à faire quelque chose).
Vous constatez aussi le faible rendement apparent de la lecture. Pourtant, retenir 10 % de ce que vous avez lu n’est pas si mal ! Et puis, cela ne signifie pas que les 90 % restants sont perdus. Ils sont bien en fait rangés quelque part dans votre bibliothèque cérébrale. Mais plus ou moins accessibles, en plus ou moins bon état. Le mécanisme de rappel aura du mal à les retrouver.
Quand vous « retenez » 10 %, cela signifie simplement que ces 10 % sont plus faciles d’accès. Parce que bien liés à d’autres informations et/ou parce qu’ils sont en meilleur état que le restant… Probablement aussi avez-vous prêté plus d’intérêt, plus d’attention à ces 10 % là qu’aux 90 % restants.
Parce que ce sont probablement les 10 % qui comptent le plus pour vous. Alors, pour vous, c’était le principal à retenir.
Et c’est là qu’être bavard peut s’avérer fort utile…
Parler pour fabriquer des indices de rappel
Mais, avant d’arriver à ce point, voyons d’abord comment fonctionne le processus d’intégration. Il trie… En fonction de vos centres d’intérêt, de vos habitudes mentales, des informations déjà stockées, votre cerveau va « juger » certaines informations plus importantes que d’autres.
Et certaines, même très nettes et précises, ne vont pas être stockées le long des « autoroutes » si elles paraissent secondaires. Au contraire, elles vont se retrouver plus ou moins en vrac avec d’autres « aux archives » ou « aux inclassables ».
Inversement, d’autres vont quand même être rangées là où il sera plus facile de les retrouver, même en état moyen, parce qu’elles paraissent importantes. Ce sera le cas, par exemple, si elles concernent un sujet qui vous passionne en ce moment.
Cela est dû à un phénomène découvert par la recherche. Lorsqu’un circuit cérébral est activé, la chaîne de ses neurones devient plus « sensible ». Elle devient donc plus facilement activable. Elle démarre au quart de tour.
C’est comme si les neurones de cette chaîne restaient en veille. Cette sensibilité accrue peut durer selon les cas, plusieurs heures au moins, plusieurs jours, des semaines ou des mois. C’est parfaitement complémentaire du préchauffage motivationnel vu plus haut.
Mais, comment pouvez-vous profiter de ces bonnes dispositions cérébrales ?
Un bon moyen, et très simple, consiste à parler… Rappelez-vous que vous pouvez mémoriser 80 % de ce que vous dites ! Et quand même de 50 % de ce que vous voyez et entendez en même temps. Alors, pour mémoriser, parlez ! Mais pas tout seul…
Discuter, c’est mémoriser
Il est prouvé, par nombre d’expériences, que discuter est un excellent renforçateur.
Si vous allez voir un film seul et n’en parlez à personne, vous aurez du mal à vous en souvenir. Si vous en parlez avec d’autres qui viennent de le voir, chacun va évoquer des moments du film. Pas forcément les mêmes.
Donc, vous allez parler, voir et entendre vos amis parler. Vous allez revenir plusieurs fois sur les points clés de l’histoire etc. Peut-être même changer votre point de vue.
A la fin, vous n’aurez pas que le souvenir du film. Vous aurez aussi le souvenir de la discussion ; des éventuels désaccords ; de la tête de Bernard qui ne l’a pas aimé ; de l’enthousiasme de Véronique qui l’a adoré ; de votre étonnement quant aux souvenirs de Lucas, qui ne sont pas les mêmes que les vôtres, etc…
Donc, vous avez multiplié les voies d’accès, les indices de rappel.
Et il se passera la même chose concernant vos vacances, une visite de musée, la lecture d’un livre ou une partie de football. Plus vous en parlerez avec d’autres mieux vous mémoriserez. Même chose encore pour la visite d’une exposition, une excursion ou une conférence. Parlez, parlez, parlez, discutez, bavardez !
J’appelle cela la mémoire sociale. Son premier avantage c’est l’agrément. Ça rentre tout seul. Même les répétitions ne sont pas désagréables. On peut parfois prendre plaisir à se répéter les dialogues d’un film… rien à voir avec les répétitions pour apprendre des formules à l’école !
Il n’y a aucun effort à faire pour discuter du match auquel on vient d’assister. Vous vous amusez, vous êtes en forme. Vous êtes intéressé. Votre motivation est présente. Vous n’avez pas besoin de vous forcer pour être attentif.
Ça ne vous dit rien ?
Rappelez-vous des 4 points qui favorisent la bonne qualité des informations mises en mémoire :
• votre état général
• votre intérêt pour la matière
• votre motivation du moment
• votre degré d’attention
Dans une discussion passionnée, tout y est !
Efficacité, informations en bon état, bien intégrées, voies d’accès nombreuses et renforcées… C’est le top !
Alors, ayez des relations avec les autres. A l’extérieur ou en famille. Multipliez les occasions de discuter. Discutez. Débattez. Dites votre accord. Manifestez votre désaccord. Enrichissez le débat. Amusez-vous. Parlez, parlez, parlez encore. Mémorisez en discutant… Allez, c’est dit, soyez bavard !
PS, mon tout premier article « la mémoire comment ça marche » vous donnera un vision globale du fonctionnement de la mémoire. Quand vous l’aurez lu, vous en saurez plus que 99 % des gens. et ça vous aidera à mieux comprendre encore le rôle des relations sociales et des discussions dans le processus de mémorisation.