Le Club Memori
Pour ceux qui veulent comprendre, maintenir et améliorer leur mémoire.
Vulgarisation scientifique, méthodes, trucs et astuces pour bien mémoriser.

VULGARISATION SCIENTIFIQUE / LA MÉMOIRE DES PLANTES

Votre ficus vous reconnait-il? participez à une expérience scientifique !

Les scientifiques sont comme Saint Thomas. Ils ne croient que ce qu’ils voient ou, du moins, ce qu’ils peuvent vérifier. Je veux dire : par eux-mêmes.

Ces derniers mois j’ai lu dans diverses revues des comptes rendus d’expériences. Par exemple pour vérifier si les chiens sont capables de mémoriser. Remarquez, on s’en doutait un peu.

On a aussi vérifié si des hyménoptères en étaient capables. A ce sujet, jetez donc un coup d’œil sur mon article sur les bourdons qui ont appris une règle de football. Une règle un peu spéciale il est vrai. Voyez « Quand les bourdons jouent au football ou comment la mémoire permet l’adaptation »

Maintenant c’est officiel : les chiens, les chats, les bourdons, les salamandres et j’en passe, ont de la mémoire. Bon d’accord, les écureuils c’est moins sûr, surtout après l’hibernation. Mais les poissons rouges si, contrairement à ce qu’on vous a dit…

En tout cas, je peux désormais parler de la mémoire d’Hector (c’est mon chat) avec la caution des plus grands laboratoires de recherche. Ça me soulage. On ne me dira plus que je fais de l’anthropomorphisme. Merci la science !

Bon.

Mais qu’en est-il de mes amaryllis ?

Et de votre ficus ?

La question vous surprend ? Alors c’est que vous n’avez jamais imaginé qu’il puisse avoir de la mémoire. Vous ne vous êtes encore jamais demandé si votre ficus vous reconnait quand vous rentrez chez vous. Je ne voudrais pas vous vexer mais, quand même, vous ne manqueriez pas un peu de curiosité ?

Hum…

J’étais à deux doigts de vous parler de mes amaryllis. J’allais justement vous dire s’ils me font la fête quand je rentre à la maison… Mais…j’ai vaguement l’impression que vous allez penser que je yoyote.

Alors finalement… non ! Tous comptes faits je ne vous dirai rien de la relation que j’entretiens avec mes amaryllis. Jamais.

La mémoire des plantes devant le science

Je vais plutôt mettre en avant des scientifiques. Ils auront plus de poids que moi. Et ils affirment que les plantes ont de la mémoire. Le mimosa, le lin, l’arabidopsis thaliana… tous ont de la mémoire.

Remarquez bien que ce n’est pas moi qui le dis. J’insiste particulièrement sur ce point… Cela fait même 35 ans que Michel THELLIER (professeur émérite à l’Université d’Angers, maintenant en retraite) et Marie-Odile DESBIEZ (Université de Clermont-Ferrand) nous disent que les plantes mémorisent. Et ils le disent sans craindre le ridicule.

Alors voyons ce qu’il en est.

Tout d’abord les chercheurs remarquent que le mimosa, les pommes de terre ou les troènes n’ont pas de système nerveux. Ah ? Vous aviez remarqué aussi ? Pas de cerveau. Pas de neurones. Les courgettes ? Les haricots ? Pareil. Pour la mémoire, c’est mal parti.

Un certain nombre d’expériences prouvent pourtant que ça n’empêche pas les plantes de mémoriser. Voici quelques exemples :

Quelques expériences scientifiques

* Des radis sont attaqués par des chenilles amenées là exprès par des expérimentateurs un peu sadiques. Ils augmentent alors leur production de glucosinolates (les radis, pas les chercheurs). Je ne sais pas à quoi ça ressemble mais il y en a toujours dans les radis. Sauf que quand il y en a trop les chenilles ont envie de vomir.

Les radis sont sauvés !

Ensuite on les soumet à des vibrations simulant celles que font les chenilles. Sauf que là il n’y a pas de chenille et personne ne les boulotte. Malgré tout, les radis se mettent aussitôt à produire en masse des glucosinolates. Et même encore plus que lors de l’attaque réelle.

Conclusion d’Alain VIAN (Université d’Angers) : les radis n’ont pas oublié l’expérience précédente. Ils ont appris que ces vibrations annonçaient le début d’une attaque en règle. Et ils réagissent cette fois au quart de tour. Ils se défendent mieux et plus vite.

Radis, tabac, arabette des dames ou  mimosa, même combat

Le même expérimentateur a simulé une attaque d’insectes sur des plants de tabac. Ils produisent alors plus de nicotine. Résultat, ils deviennent immangeables. Lors de la seconde simulation, ils en produisent encore plus et plus vie que la première fois.

Ils font comme les radis. Mais là on est quand même un peu déçu. Les radis, eux, avaient carrément transmis leur mode de défense à leurs enfants et petits-enfants… Le tabac, non.. Un peu nunuche le tabac.

* Heureusement l’arabidopsis thaliana sauve l’honneur. A Bâle en 2006 Barbara HOHN et son équipe suisse s’est intéressée à cette plante. Elle avait soumis un lot de ces crucifères aux rayons ultraviolets et à autre lot à une protéine bactérienne.

Dans les deux cas, les plantes ont réagi en modifiant carrément leur organisation génétique lors de leurs divisions cellulaire… On sait que la plante croît par division cellulaire. Normalement chaque cellule qui se divise produit 2 jumelles.. Eh bien là non !

Et, plus étonnant encore, ces recombinaisons d’ADN ont persisté sur les quatre générations suivantes. Comme si la plante avait augmenté ses chances de survie à ces stimuli stressants en produisant une diversité génétique « volontaire ».

* Et le mimosa ? Je veux parler ici du mimosa pudique, pas du mimosa de l’île de Noirmoutier. Celui-là pousse en zone tropicale. Si on le touche, il ferme ses feuilles, ce qui impressionne les prédateurs. Pareil si on déplace brutalement son pot. Sauf que là, je ne sais pas qui ça impressionne.

Quand les chercheurs deviennent sadiques

Eh bien Monica GAGLIANO, une chercheuse australienne, a inventé un « ascenseur-descendeur de pot » qui simule une chute libre suivie d’un atterrissage en douceur. Avant de recommencer 5 secondes plus tard. Les mimosas n’aiment pas ça et ferment leurs feuilles pendant la chute.

Toutefois la plupart ne réagit plus au bout d’un certain temps. Après une cinquantaine de « chutes » plus aucun mimosa ne ferme ses feuilles. Certains, vraiment confiants, ont même cessé de le faire dès la 5ème chute. Ils ne croyaient déjà plus au danger…

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Car telle est bien l’interprétation des chercheurs. Puisqu’il ne leur arrive rien de dommageable, les mimosas n’ont plus besoin de se protéger. Ils restent zen.

Mais faites confiance aux expérimentateurs pour avoir l’esprit tordu. Quelques semaines plus tard ils remettent ça et… plus aucun mimosa ne bronche. La zéniitude totale. En revanche si on les touche, ils referment aussitôt leurs feuilles.

Conclusion des chercheurs : le mimosa se « souvient » toujours que, il y a trois semaines, il ne lui est rien arrivé après la chute. Il ne réagit plus.

Après les mimosas, c’est au tour des petits pois maintenant

* Et si on cultivait des pois en pot ? Ce sont des plantes qui aiment bien l’air. Mettez le pot au fond d’une manche à air qui se divise en deux branches au lieu d’une en haut. Les pois tout au fond voient la lumière au-dessus de leur tête. Elle leur arrive aussi bien par l’embranchement de gauche que par celui de droite.

Pour se diriger vers la lumière quelles voie sont-ils choisir ? On s’en doute un peu, cela leur est totalement égal. Ils poussent vers la sortie, à gauche ou à droite indifféremment. On refait l’expérience mais en injectant un souffle d’air dans la voie de gauche. Cette fois ils préfèrent tous pousser à gauche. Je vous l’avais dit, ils aiment l’air frais.

Si on supprime ensuite le souffle d’air, 62 % d’entre eux continuent à pousser à gauche. Comme si ils se rappelaient que l’air venait de ce côté-là. On fait aussi des essais en occultant un moment une des sorties. Naturellement les pois poussent vers la lumière.

Quand on rétablit la lumière des deux côtés ils boudent le coté qui avait été occulté. Ils continuent de pousser là où ils s’attendent à trouver de la lumière. On dirait que l’autre côté, celui qui a subi une occultation, ne leur parait pas très sûr ! Après ça, vous ne direz plus de quelqu’un qu’il a un petit pois à la place du cerveau…

Vous trouverez le compte rendu de cette expérience de la chercheuse australienne Monica GAGLIANO dans Nature Scientific Reports.

Les chercheurs s’acharnent sur le lin

Au début des années 80, Marie-Odile DESBIEZ, une chercheuse de Clermont Ferrand, pique la feuille d’une plante avec une aiguille (le sadisme des chercheurs est sans limite). Si la plante est dans son milieu nourricier il ne se passe rien. Comme si elle « pensait » que ce n’est pas grave. Si on fait la même chose après avoir placé la plante dans un milieu purement aqueux elle freine aussitôt la croissance de son hypocotyle.

Je suppose que je n’ai pas besoin de vous expliquer ce qu’est un hypocotyle ? Vous confirmez ? Merci. Il est vraiment agréable d’avoir un public cultivé.

Bon, on remet la plante en milieu nourricier. Et surtout on ne la pique plus. Et puis un jour, on la remet dans l’eau. Résultat elle freine à nouveau la croissance de son hypocotyle. Alors qu’on ne la pique plus pourtant. Conclusion : elle a associé deux éléments : la piqure et le milieu aqueux. Elle a donc stocké quelque part ces informations.

En France et ailleurs les recherches vont bon train. Les découvertes de l’équipe de Michel THELLIER (Université d’Angers) valent aussi leur pesant de petits pois.

Comme leurs collègues de Clermont-Ferrand, de Grande Bretagne ou d’Australie, ces gens-là font des trucs bizarres. Par exemple, ils soumettent des pousses de lin à des chocs thermiques. Drôle d’idée. Résultat : ces plants de lin font pousser des bougeons… sur leur hypocotyle.

Privation de calcium

Je suppose que je n’ai toujours pas besoin de vous expliquer ce qu’est un hypocotyle. Vous vous rappelez bien ? C’est rassurant de voir comme votre mémoire est bonne. Toutefois le lin ne fait ça que s’il manque de calcium, ce qui n’arrive jamais dans la nature.

Donc on prive le lin de calcium et on lui fait subir un choc thermique. Résultat : des embryons de bourgeons apparaissent sur l’hypocotyle. Il faut les deux éléments (manque de calcium et choc thermique) pour obtenir cette réaction. Ensuite on laisse le lin se retaper. On lui redonne du calcium et on ne l’embête plus. Enfin c’est ce qu’il pourrait croire.

Mais ce serait faire abstraction de l’obsession des chercheurs. Les voilà qui privent encore ce pauvre lin de calcium. Mais, j’en conviens, cette fois sans les chocs thermiques, merci pour lui … Le lin, lui, se rappelle très bien que la fois précédente il avait eu droit aux chocs thermiques quand il était décalcifié. Ni une ni deux, il se fait pousser des bourgeons…

Comme dans l’expérience de Clermont-Ferrand, on conclut que le lin a associé la privation de calcium (qui n’existe pas dans la nature) avec les chocs thermiques. Il a donc mémorisé cette association. Il prend ses précautions pour assurer sa survie.

Les plantes ont une vraie mémoire

Je ne peux pas m’empêcher de penser que ça ressemble un peu au réflexe conditionnel selon Pavlov. Au lieu que le chien salive quand on allume une lumière, le lin fait des bourgeons quand on le prive de calcium. Un réflexe conditionnel qui suppose un système nerveux. Sauf que la plante n’en a pas…

Ce que l’on conclut de tout cela c’est que les plantes qui subissent un stimulus stockent des informations. Par la suite, si ce stimulus réapparait, et s’il est associé à un danger, la plante réagira de nouveau de la même façon. A ceci près qu’elle réagira plus vite et plus intensément. Et si le stimulus n’est associé à aucun danger, elle ne réagit plus.

Nos chercheurs insistent sur le fait que cela n’est pas comparable à la mémoire animale. Ils nous disent que la plante ne met pas tant en mémoire le stimulus lui-même, mais plutôt la réaction de défense qu’il a suscité.

Moi je veux bien.

Mais…

Si la plante réagit à un stimulus normal, courant dans la nature, je peux penser qu’il s’agit là d’une réaction génétiquement codée, résultat de l’évolution de l’espèce. Mais si elle réagit à un stimulus totalement artificiel il n’y a pas de codage préalable. Et alors là, comment peut-elle ne mémoriser que sa réaction ?

Si c’est seulement face à ce stimulus artificiel qu’on observe la réaction, et pas à un autre, il faut bien qu’elle ait mémorisé de ne réagir qu’à celui-là. Qu’elle puisse le reconnaitre. Donc qu’elle l’ait mémorisé. Enfin, c’est mon point de vue. Je compte bien, pour un futur article, interroger quelques chercheurs sur ce point.

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Quoi qu’il en soit, comment définit-on la mémoire ?

En très gros : perception d’une donnée (information), transmission de l’information quelque part, stockage puis rappel de cette information en cas de besoin.

Une vraie mémoire je vous dis

Et que constate-t-on dans ces expériences ? La plante perçoit une donnée et y réagit. Si elle perçoit à nouveau une donnée similaire (ou une simulation) elle réagit de nouveau pour se protéger, plus vigoureusement et plus rapidement. Ou alors pas du tout si elle a mémorisé que le stimulus n’annonce aucun danger.

Elle a donc bien conservé en mémoire l’information et adapte sa réponse.

On pourrait objecter que ce serait de purs automatismes.

Pourtant cela ne tient pas. En effet il s’agit là de stress totalement artificiels, comme la chute libre des mimosas par exemple… Une expérience qui n’existe pas dans la nature.

Il est difficile d’imaginer un gène dormant destiné à s’activer quand une certaine GAGLIANO aura l’idée bizarre de faire monter le mimosa dans un ascenseur… puis de le faire descende en chute libre !

Il n’y a probablement pas non plus chez les plantes terrestres un gène spécial qui coderait la réaction à avoir si on la met en milieu stérile et qu’on lui pique les feuilles…

Il faut bien se rendre à l’évidence que, dans les expériences citées, les plantes ont de la mémoire. Elles réagissent (ou pas) à un stimulus et s’en souviennent. Mais comment cela se peut-il ? Sans cerveau ni système nerveux cela parait impossible.

Préparez-vous à vérifier

Avant d’aborder cette question je vais vous faire une proposition. Et si, en guise d’entracte, vous participiez vous-même à une expérience scientifique ? Non pas avec votre ficus… Il se pourrait que la relation que vous avez développée avec lui fausse l’expérience, vous comprenez… On reparlera de votre ficus plus tard.

Non, je pense à une expérience parfaitement similaire aux expériences scientifiques dont je viens de vous parler. Je vous propose d’aller chez le grainetier. Vous lui achetez pour 3 ou 4 euros de graines de sensitive.

Les sensitives sont des plantes qui referment leurs feuilles quand on les touche. Ça les protège des prédateurs herbivores.

Vous vous rappelez du mimosa pudique ? C’est une sensitive. Figurez-vous qu’on en trouve des graines dans le commerce. Exactement le même mimosa que celui de Monica GAGLIANO. Sauf que je vous propose une expérience différente.

Fournissez-vous en graines, en terreau, en pots… Ensuite, suivez les indications de culture imprimées sur le sachet. Au besoin demandez conseil au grainetier.

Attention, dès que la plante commence à germer, arroser la terre quand il le faut mais ne laissez jamais tomber une seule goutte d’eau sur les feuilles. Pour cette expérience, votre plante ne doit JAMAIS connaître la pluie. Élevez ainsi votre plante jusqu’à l’âge adulte.

Dès ce moment là, vous devez vous mettre dans la peau d’un chercheur. Demandez-vous ce qu’il se produirait si vous l’arrosiez maintenant sur les feuilles. Vous vous en doutez car vous savez comment elle réagit quand on la touche.

faites l’expérience vous-même

Mais pour le savoir, il faut monter une expérience. On va maintenant arroser les feuilles. Simplement, quand vous devez l’arroser, faites-le avec un petit arrosoir jouet. Votre mimosa doit recevoir des petits chocs (les gouttes) sur ses feuilles.

Conformément à votre hypothèse la plante va refermer ses feuilles. N’arrosez pas trop, de façon à justifier des arrosages répétés plusieurs fois dans la journée. Compter au bout de combien d’arrosages votre mimosa pudique cessera de l’être… et va continuer d’exhiber ses feuilles ouvertes.

Rappelez-vous que, dans l’expérience australienne, certains plants très « confiants » cessaient de replier leurs feuilles au bout de seulement 5 ou 6 chutes libres. Toutefois les plus « méfiants » ont eu besoin de 50 à 60 chutes.

Comme dans l’expérience australienne, vous verrez certainement des différences de comportement d’un plant à l’autre.

Allez jusqu’au bout de l’expérience

Ça, c’est la première partie de l’expérience. Mais ce n’est pas fini. Maintenant que tous vos sujets ont compris que l’arrosage n’est pas dangereux. Reprenez l’arrosage uniquement sur la terre et surtout pas sur le feuillage.

Au bout d’une semaine arrosez un de vos plants à l’arrosoir. Il ne fermera pas ses feuilles. Il se « souvient » qu’il ne craint rien. La semaine suivante faites la même expérience avec le deuxième plan. Sa dernière expérience date de 15 jours mais il s’en souvient aussi. Attendez encore une semaine pour le troisième plant etc. Quel sera le record ?

Francis HALLE (Université de Montpellier) affirme que certaines sensitives ont la mémoire vraiment très longue. Il propose d’attendre 2 ou 3 ans avant de soumettre la pluie à l’arrosage direct. On essaye ? N’hésitez pas à me faire part de vos résultats. Je les publierai.

Et une petite dernière?

Une petite dernière pour la route ?

Allez, encore une expérience simple. Prenez par exemple des petites bouteilles ayant contenu de l’eau minérale. Faites quelques petits trous au fond et remplissez-les de terreau. Qu’allez-vous cultiver là-dedans ? Des « pisum sativum ».

En langage scientifique ça s’appelle aussi des petits pois…

Trouvez un lieu où la lumière vient par-dessus. Attendez que le plan soit bien sorti du goulot.

Ça y est ?

Maintenant couchez vos bouteilles à l’horizontale pendant une demi-heure. Repérez la partie des bouteilles tournée vers la lumière avec des pastilles autocollantes. Puis mettez vos pois… au frigo ! Histoire de les endormir. Quelques jours plus tard, remettez vos pois à l’endroit initial, en position debout.

Et maintenant ?

Formulez une hypothèse… puis attendez.

Laissez pousser.

L’heure de vérité

Si votre hypothèse est que les pois vont maintenant pousser penchés du côté marqué par une pastille de couleur, félicitation. C’est en effet l’hypothèse gagnante. Vos pois vont effectivement pousser du coté d’où, avant d’être endormis, venait la lumière.

Cette expérience est cousine de celle, faite en laboratoire, dans laquelle on faisait pousser des pois dans une manche à air double. Sauf que vous avez rajouté une complication en créant une pause métabolique par l’obscurité et le froid. Malgré ça vos pois ont enregistré d’où venait la lumière avant d’être endormis et ont ensuite poussé de ce côté-là.

Bon, ça ne prouve pas l’intelligence des petits pois. A la fin de l’expérience ils auraient mieux fait de pousser vers le haut, vers la lumière du moment. Mais ça prouve qu’ils ont mémorisé d’où venait la lumière, avant qu’on les endorme.

Bilan

Voilà, c’était la séquence « Participez à la recherche scientifique ». Alors quel effet cela vous fait-il de participer à l’élargissement des connaissances ? Je vous propose de rapporter vos expériences ici même. N’hésitez pas à les filmer. Je publierai volontiers vos photos ou vidéos sous votre nom dans ce blog.

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Des expériences comme celles-ci, malgré leur simplicité, prouvent sans équivoque possible que les plantes ont mémorisé. Vous voyez qu’il n’y a pas besoin d’une expérience compliquée pour le prouver. Evidemment la machine à faire chuter les pots est plus spectaculaire. Mais, a priori, elle ne prouve rien de plus que ce que vous venez de prouver avec un simple arrosoir…

Cela parait presque trop simple ? Oui et non. Non, puisque votre expérience suffit à prouver la mémorisation. Oui, parce que c’est seulement le début de la recherche. La plante a mémorisé, c’est prouvé, soit ! Mais comment ?

Là est la question. Et pour être plus précis. Comment la plante a-t-elle fait en l’absence de cerveau et de système nerveux ?

De l’influx nerveux chez les plantes ?

Il y a plusieurs pistes explicatives. Dans les laboratoires, on travaille actuellement sur les composés cellulaires, les prions, les ondes de pression ou encore l’activité électrique des cellules.

Les prions, est-ce que ça vous dit quelque chose ? Peut-être pas. Mais si je vous parle de vache folle, de tremblante du mouton ou de maladie de Creutzfeld-Jacob ? Là ça devrait ranimer des souvenirs dans votre mémoire.

Des souvenirs pas très heureux. Pourtant les prions ne sont pas nécessairement pathogènes. En tout cas, ils ne le sont pas dans le règne végétal.

Les prions, après tout, sont des protéines. Les plantes contiennent des centaines de protéines. Selon certaines équipes, celles qu’on appelle des prions seraient à l’œuvre pour la mémorisation des données de l’environnement : température, luminosité, pression, hygrométrie, force du vent…

Qu’en disent les scientifiques?

Dans les « proceedings of the National Academy of Science” (pnas.org) on trouve un article relatant les travaux de l’équipe de Susan LINDQUIST à l’Université de Cambridge. On y lit que les prions, qui sont des protéines protéiformes, conservent en mémoire des données en… changeant de forme justement.

En cas d’exposition au froid par exemple, certaines protéines se reconfigurent. Elles se mettent en mode « froid » en quelque sorte. D’autres types de reconfiguration auraient lieu pour d’autres types d’information. Par exemple pour stocker une information telle que l’éclairement journalier ou la durée du jour.

C’est une piste. Elle semble dès maintenant expliquer le processus de vernalisation. A savoir celui par lequel une plante « sait », entre autre, quand l’hiver a assez duré et qu’elle peut germer. Ses prions changent de forme en fonction du froid accumulé jusqu’à atteindre une forme qui serait le déclencheur de la germination.

Stockage d’information, réseau neuronal?

Dans cet exemple la forme des prions stocke une information concernant le froid subi par la plante. La forme du prion devient la mémoire de la « quantité de froid » subie.

Monica GAGLIANO, la chercheuse australienne qui bouscule les mimosas, va plus loin que cela. Elle fait l’hypothèse que les plantes auraient l’équivalent d’un réseau neuronal. Elles utiliseraient des molécules en réseau pour transmettre et stocker des informations.

On commence même à parler de « neurobiologie » végétale. Stéfano MANCUSO Université de Florence) et Frantisek BALUSKA (Unibversité de Bonn) ont même fondé un laboratoire international de neurobiologie végétale….

A l’Université de Bonn, justement, une équipe de recherche a découvert une zone spéciale dans la racine des plantes. On l’appelle la « zone de transition ». Dans cette zone, les cellules contiennent de l’actine et de la myosine. Ces substances se trouvent aussi dans nos muscles. Sans elles, pas d’activité musculaire possible. Et on les retrouve dans les racines des plantes…

Quand même pas des synapses, si?

Mais, plus fort encore, ces cellules sont connectées entre elles et ces connexions ressemblent furieusement à nos synapses. Selon l’équipe de Bonn ces cellules ont des propriétés semblables à celles de nos neurones. C’est encore un point pour les tenants de la neurobiologie des végétaux.

Chose curieuse, cela rejoint aussi les conceptions de Darwin qui faisait l’hypothèse que les racines étaient le « cerveau » des plantes. Alors les racines sont-elles « musculaires » ou « cérébrales » ? Quoi qu’il en soit les chercheurs ne sont pas tous convaincus et le débat reste ouvert.

D’autres hypothèses sont en cours de vérification. L’une d’elle est celle de la transmission électrique… sans neurones. Il est certain qu’on peut détecter des potentiels sur les végétaux. L’hypothèse n’est donc pas irrecevable.

Non c’est pas vrai… de l’activité électrique?

Au Japon, on sait depuis des décennies que l’activité électrique des arbres est perturbée quelques jours avant un séisme. Ces perturbation augmentent en intensité jusqu’au moment du séisme. On ne peut malheureusement en déduire ni l’intensité ni l’épicentre du séisme.

Mais le fait est là. L’activité électrique des végétaux peut varier selon l’état de l’environnement. C’est particulièrement spectaculaire chez les arbres en période pré-sismique. Mais on peut aussi le constater chez bien d’autres végétaux lorsqu’ils sont attaqués ou blessés.

Cette fois nous sommes à l’Université de Lausanne, avec l’équipe d’Edward FARMER. Son dada à lui c’est l’arabette des dames. Ou, si vous préférez, l’arabidopsis thaliana pour les intimes. Vous savez, c’est celle qui recombine son ADN quand on lui fait des misères…

Eh bien oui, en plus de ça, elle manifeste une activité électrique si on la blesse. En fait elle produit des protéines défensives ET un signal électrique. Ou inversement peut-être .Mais plus intéressant encore : on récupère ce signal dans les parties saines de la plante qui se mettent aussi à produire des protéines défensives…Il y a donc eu transmission de l’information.

Et en plus le signal se propage?

Et encore plus curieux le signal se propage à la vitesse étonnante de 8 à 10 cm par minute. Une vitesse très différente de celle de la propagation de l’influx nerveux dans le règne animal. Celle-ci est en effet de 100 m par seconde. Chez le végétal, il faut donc à 10 à 15 minutes pour parcourir la même distance qu’en 1 seconde chez l’animal.

C’est donc très lent. Mais la transmission existe. Par quel moyen ? On ne sait pas grand-chose encore sur la propagation du signal. En revanche on connait maintenant trois gènes qui déclenchent le signal électrique.

Et là encore une surprise c’est que ces gènes ressemblent assez aux nôtres. En fait ils sont cousins de ceux que l’on trouve dans nos synapses, dans notre cerveau… Rappelons que les synapses dans le monde animal, ce sont les connexions entre les neurones. Les plantes sont-elles donc si éloignées de nous ?

Je ne me sens pas très bien là…
J
‘ai l’impression que mes amaryllis m’observent… 

Ces découvertes donnent de l’eau au moulin des tenants de la « neurobiologie végétale ». Ceux-ci commencent à penser que les plantes auraient un « cerveau diffus ». Certes, il ne fonctionnerait pas avec des neurones. Mais peut-être par transmission électrique à travers des protéines. On parle alors d’activité synaptique des plantes.

Une activité synaptique sans neurones… tout le monde n’est pas d’accord dans le Landernau scientifique. Alors, comme on dit dans les BD : à suivre… !

PS : au fait, votre ficus vous reconnait-il ?

Sources :

Revues et sites Internet : ARTE, Dhnet.be, Jardins de France, lejardinvivant.fr, letemps.ch, Nature Scientific reports 2016, PNAS 2016, Sciences et Avenir 2017.

Chercheurs : Charles DARWIN, Edward FARMER (Université de Lausanne), Monica GAGLIANO (Australie), Francis HALLE (botaniste, biologiste), Barbara HOHN (Institu pour la recherche biomédicale Friedrich-Miescher, Bâle), Suzan LINDQUIST (Université de Cambridge), Stéfano MANCUSO (Université de Florence), Bruno MOULIA (INRA Clermont-Ferrand), François TARDIEU (INRA Clermont-Ferrand), Michel THELLIER (Université de Rouan), Alain VIAN (Université d’Angers).