Le Club Memori
Pour ceux qui veulent comprendre, maintenir et améliorer leur mémoire.
Vulgarisation scientifique, méthodes, trucs et astuces pour bien mémoriser.

Certains me demandent de traiter des techniques de mémorisation faciles. Bon… D’autres voudraient des techniques rapides. Bien…

Et il y en a même qui voudraient des techniques faciles et rapides à mettre en œuvre. Bref, la demande générale ou presque pourrait s’énoncer ainsi: « comment mémoriser vite et bien facilement »…

Vais-je vous décevoir ?

Article mis à jour le 1er avril 2022

Un jour, Picasso dessine sur une serviette en papier à la terrasse d’un bistrot. Intéressée, une dame à la table voisine lui demande le prix qu’il en veut. Le chiffre annoncé lui donne un haut-le -cœur. Mais enfin, lui dit-elle, vous avez fait ça en 10 secondes !

C’est vrai, répond Picasso, mais pour arriver à ça, j’ai dû m’exercer pendant 30 ans.

Pourquoi je vous raconte ça ?

Parce que, pour la mémoire, c’et un peu pareil. Pour mémoriser vite et bien, il faut s’exercer un certain temps d’abord (mais pas 30 ans, rassurez-vous…).

Certes, vous pouvez mémoriser vite et bien, et sans exercice préalable, des choses simples qui vous concernent de près. Par exemple, le nouveau prix de votre brushing chez le coiffeur. Mais pas la conférence à laquelle vous avez assisté hier. Pour ça il vous faut acquérir de la méthode et des automatismes. Et ça ne se fait quand même pas sur un claquement de doigts.

Nous allons donc faire le point sur quelques techniques de mémorisation et voir ce que vous pouvez en attendre. Et quel est le temps de mise en œuvre.

Techniques faciles de mémorisation.

Elles répondent à la question « comment mémoriser facilement ? » mais ce ne sera pas forcément rapide. Soit parce qu’il faut quand même un apprentissage préalable, soit parce qu’elles demandent de la constance, ou de l’inventivité.

1) Mémorisation (presque) instantanée: la technique des associations

Les Anciens savaient déjà que la mémoire est associative. Une information isolée, qui ne se rapporte pas à un domaine que vous connaissez déjà, est difficile à retenir. Par exemple, la recette du bœuf miroton si vous ne cuisinez jamais.

Une information liée à un domaine qui vous parle est en revanche facile à remémorer. Par exemple, le nouveau prix du brushing, si vous en faites faire un un souvent, ou la recette du bœuf miroton si vous adorez cuisiner. Parce que l’information va s’intégrer parmi d’autres déjà mémorisées, telles celle du bœuf en daube, du pot-au-feu ou du bœuf gros sel…

Mais vous pouvez aussi forcer les associations.

Par exemple vous avez du mal à retenir le nom de ce monsieur… heu  comment déjà ? Voyons… Bon, je vais vous aider, il s’appelle Tilleux. Imaginez-le donc le visage criblés de vilains points noirs (ne lui dites jamais ça). Et associez à cette image mentale la phrase-clé suivante: « monsieur Tilleux est pointilleux ». Je serais étonné que vous puissiez désormais l’oublier.

Autre exemple: vous êtes en voiture, vous voulez ne pas oublier de téléphoner à Julien dès que vous rentrez chez vous. Vous savez que Julien est un sacré bricoleur et qu’un ce moment il se construit un garage. Imaginez qu’en arrivant chez vous, vous ne puissiez pas entrer dans votre cour. Julien est en train d’y construire un énorme garage qui prend toute la place…

Maintenant, vous pouvez « oublier » cette affaire. En associant votre cour avec cette image de Julien en train de bétonner chez vous, elle est mémorisée. Quand vous arriverez dans la cour, l’association avec Julien va se réactiver toute seule. Et vous penserez alors à lui téléphoner.

2) Mémorisation socialisée: la technique « en parler aux autres »

Si vous n’allez jamais chez le coiffeur, le fait qu’on vous dise le prix du brushing ne va pas vous le faire mémoriser. Vous n’avez aucune base de données déjà établie avec des informations du genre « coiffure, coiffeur, tarifs, mise en pli, couleur, mèches » etc. Pas de liens = pas d’intégration = pas de remémoration.

A la rigueur si vous savez que ça va intéresser votre conjointe ou vos copines, vous allez peut-être vous en souvenir pendant quelques heures. Toutefois vous le mémoriserez plus longtemps si vous apprenez la nouvelle à quelqu’un. Tiens, justement, voilà Aurélie. « Je viens de passer devant chez Affirma-tif, ils ont affiché leur prix en vitrine, tu sais à combien est le brushing ? ».

Rien que d’avoir dit ça, vous allez le retenir au moins une semaine ! Même si ça ne vous intéresse pas…

« Et pour une conférence ? »

C’est juste un peu plus long. Mais vous êtes avantagé si vous êtes bavard.

Dans ce cas, à la sortie de la conférence, vous n’allez pas pouvoir vous empêcher d’en parler à vos connaissances. « Ah, j’ai bien aimé le passage sur l’hermaphrodisme des escargots, et vous saviez que certains sont zoophages et détritivores ? Qu’est-ce qui vous a intéressé vous ? Ah oui, les escargots aquatiques en Slovaquie, c’est vrai c’était intéressant aussi, ça. Ah oui ! Et la bave d’escargot comme soin anti-âge au Japon ? Pas mal non plus celle-là ? Et en Thaïlande ! »

Et patati et patata… Vous voilà en train de faire un excellent travail d’intégration des informations. Au plus vous en discuterez, avec le plus de personnes possibles, au plus vous répéterez ou rafraîchirez ce que vous avez appris, au plus le rappel sera facile.

Intégration + répétitions = super mémorisation. Et la technique « parler » n’est pas trop dure, hein ?

3) Mémorisation active: la technique « apprendre aux autres »

Cette technique et apparentée à la précédente. Elle est particulièrement adaptée à la mémorisation des cours. La différence avec le « bavardage » c’est que là, il faut être organisé. Il faut une logique, une hiérarchie des données, une arborescence. En général, le cours est déjà organisé de cette façon.

Il n’empêche, dans une classe ou un amphi d’université, qui connait le mieux le sujet? Réponse: le professeur. Non pas parce qu’il est le plus savant mais simplement pare qu’il répète souvent son cours. Pas forcément avec les mêmes mots (il ne fait pas du par cœur, il suit son plan, nuance) mais c’est toujours le même contenu.

Et répéter une même chose de façon différente, avec d’autres phrases, un autre vocabulaire, favorise  l’intégration. Et rappelez-vous que intégration + répétition = super mémorisation…

Comment procéder. C’est simple, ne cherchez pas à « réciter » un cours pour l’apprendre. Cherchez plutôt à l’expliquer à quelqu’un. Une personne ou plusieurs, peu importe. Ce qu’il faut c’est les intéresser. Ne leur donnez surtout pas le cours pour qu’ils vérifient si vous êtes bon.

Donc regardez-les, expliquez de quoi il s’agit. Si vous les endormez c’est que vous récitez, vous avez les yeux en dedans, vous n’habitez pas vos paroles. Si on vous pose des questions, si on vous demande des précisions, vous êtes sur la bonne voie. Cela va probablement vous permettre de remettre en jeu des informations que vous auriez oubliées. Si un dialogue s’instaure, vous ne serez pas loin de la situation décrite plus haut concernant une conférence.

« Et si je n’ai personne sous la main ? »

Au pire, vous pouvez toujours expliquer votre cours à un auditoire imaginaire. L’important est que ce soit fait à voix haute, en suivant un rythme de parole normal, plutôt posé. Il ne faut surtout pas aller vite, sinon vous retombez dans l’écueil de la récitation (qui est peu efficace).

L’an dernier, pour tester la longueur d’une conférence que je devais donner la semaine suivante, je n’avais personne sous la main, sauf Hector. C’est mon chat. Cela a marché aussi bien qu’avec quelqu’un. Il a eu l’air très intéressé et ne s’est pas endormi. Le seul bémol c’est qu’il ne m’a posé aucune question et qu’il n’y a pas eu de dialogue.

Donc, quand c’est possible, privilégiez une vraie audience, même si c’est une seule personne.

4) Mémorisation continue: la technique des chunks.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? »

C’est une unité de mémorisation. Rappelez-vous, dans l’article précédent, je vous parle (à propos des garçons de café) de la mémoire à court terme et de son empan de 7 unités de mémorisation. J’aurais pu dire « un empan de 7 chunks »… C’est un certain Miller qui leur a donné ce nom-là lors de ces expériences sur la mémorisation des données fractionnées.

Typiquement, les numéros de téléphone français ont 5 chunks. Les débuts de partie aux échecs, connus de tous les joueurs, sont des chunks. Ceux-là sont beaucoup plus nombreux et siègent évidemment en mémoire à long terme.

Le « chunking » (ça fait savant) consiste à fractionner la matière en plusieurs morceaux (chunk = morceau en anglais). Mais attention, un chunk peut regrouper plusieurs éléments. C’est le cas des chunks aux échecs. Ou même des 5 chunks d’un numéro de téléphone puisque chacun est composé de 2 chiffres…

« D’accord, mais pour la mémorisation, technique des chunks ou chunking, en pratique on s’en sert comment ? ».

C’est vrai que je me suis laissé un peu emporter par la théorie, là.

« Ça vous arrive souvent ! »

Ah bon ? Remarquez, ça vous rend plus savant. Mais vous avez raison, passons à la pratique. La mémorisation par chunks parait plutôt adaptée aux chiffres, aux codes, aux références de produits etc. Mais ça marche aussi avec de la matière plus littéraire.

Prenez le début de la fable ‘La mort et le bûcheron ».

Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
etc.

Combien comptez-vous de chunks ?

« Aucune idée… »

Réponse acceptable. En fait ça dépend des gens. Si vous commencez à peine à lire, il y aura autant de chunks que de mot. Si vous êtes un lettré fin connaisseur de La Fontaine, il y en aura beaucoup moins. « Un pauvre bûcheron » peut alors faire un chunk aussi bien que le « 06 » au début d’un numéro de téléphone.

« Et « tout couvert de ramée » un autre chunk ?« .

Oui, en matière verbale, le chunk est une unité sémantique. Mais il faut compter aussi avec le pouvoir des images. Et le premier vers peut faire à lui seul un seul chunk.

« Si je visualise un bûcheron en loques avec un fagot feuillu sur l’épaule, c’est un chunk visuel ?« .

Ah tiens ? C’est une idée ça le « chunk visuel », Miller n’y avait pas pensé. Mais oui, je suis d’accord. La seule difficulté ici c’est la manière de l’exprimer. Vous pouvez effectivement dire « un bûcheron en loques portant un fagot feuillu sur l’épaule ». Mais ce n’est plus le vers de La Fontaine…

« Allons bon ! ça ne marche pas votre truc… »

Attendez…

Comment mémoriser avec la technique des chunks

« Ah, enfin !« .

Il faut à la fois scinder mais en prenant garde à ce que chaque morceau soit le plus gros possible tout en ne représentant qu’un seul concept… Tout dépend donc de votre niveau de conceptualisation. Le premier vers peut ainsi faire un ou deux chunks. Avec la mémoire imagée vous pouvez n’en faire qu’un.

« Mais vous disiez que je pourrais l’exprimer avec d’autres mots« .

Oui, et c’est la preuve que la méthode des chunks n’est pas adaptée pour mémoriser un poème que vous devez restituer au mot près. Mais si c’était de la prose, ce serait très bien de restituer ce texte avec vos propres mots !

Comment croyez-vous que se sont transmises les histoires qu’on racontait autrefois aux enfants à la veillée, alors qu’on ne savait ni lire ni écrire ? Même l’Odyssée d’Homère s’est transmise oralement avant d’être fixée sur le papier. On peut parier que les conteurs successifs n’ont pas fait du mot à mot. Ils avaient en mémoire des successions de chunks imagés, visuels comme vous disiez, et ils utilisaient leur vocabulaire personnel.

« D’accord. Mais pour moi, je suis étudiant, en quoi consiste la technique des chunks pour mémoriser mes cours ?« 

Vous l’utilisez peut-être déjà sans le savoir. Mais autant le savoir et la systématiser. Prenez un chapitre de cours. Déterminez combien vous avez d’idées fortes différentes dans le chapitre. Mettons qu’il y en ait quatre. si vous me parlez de chacune d’entre elle, est-ce que vous allez me restituer à peu près tout leurs contenus ?

Si oui, vous avez alors quantre chunks du niveau d’une ouverture classique en 7 coups pour un joueur d’échecs. Parfait. Si non, vous devrez chercher des morceaux de plus petite taille. Au lieu d’en avoir 4 vous en aurez peut-être 9 ou 10.

Mais, qu’il y en ait 4 ou 9, donnez-leur un nom court qui résume leur contenu. Par exemple « les saprophytes », « la théorie platonicienne », « le principe de la comptabilité en partie double » (c’est déjà un peu long) ou encore « la mémoire épisodique ». L’important est que vous puissiez m’expliquer de quoi il s’agit sans rien omettre de fondamental.

« Et avec ça je fais quoi ?« 

Ben, c’est évident, vous les apprenez !

« Quoi ? J’apprends mes cours, c’est ça la méthode ? Ça change quoi ? Vous en avez de bonnes !« .

Mais non ! Vous n’apprenez pas le cours ! Justement pas !

« Allons bon !« 

Mais oui. Vous apprenez uniquement la liste de vos chunks. La liste de vos titres et sous-titres si vous préférez.

« Et ça va me suffire, ça ? »

Evidemment ! Si vous êtes capable de m’expliquer avec vos mots le contenu d’un chunk c’est que vous le connaissez déjà. Ne perdez pas votre temps à soi-disant l’apprendre. C’est déjà fait. Et pour tout dire, la combinaison gagnante, c’est le « mix » avec la méthode 2 ou 3. Avec ça, vous arrivez premier de promo !

La mémorisation demande du temps

Cet article n’a qu’un seul but: vous montrer que la plupart des méthodes ou techniques sont généralement assez faciles. Même les chunks ne sont pas si difficiles à comprendre et à utiliser. Si je ne l’ai coté que 6, c’est pour tenir compte de l’illusion de difficulté provenant de la nécessité de bien comprendre de quoi il s’agit. Et aussi un peu de la question du temps que cela demande. Sinon, j’aurais dû la coter 8.

En fait, et ce sera la conclusion, il faut vous faire à l’idée que mémoriser demande du temps. Quand j’entends dire que ce n’est pas facile, je rétorque que si. Mais que ça prends du temps.

Soit au moment même de la mémorisation: technique de l’association immédiate par exemple, qui demande un peu de temps. Soit juste après, pour bien intégrer la mémorisation: technique « en parler aux autres » ou « apprendre aux autres », ce qui demande un temps variable. Ou encore en continu, lorsque vous avez sur un temps long tout un continuum à mémoriser: technique des chunks. Ce qui est finalement assez rapide à mettre en œuvre dès qu’on l’a décidé. Là aussi, j’aurai pu coter 8. Mais voilà, il faut avoir le souffle pour s’y tenir en continu.

« Ouais, ben je ne suis pas sûr d’avoir le temps de faire ça« .

Mémorisation continue: une technique économique

Illusion d’optique, cher ami ! Rappelez-vous le temps passé à essayer d’apprendre par cœur les années précédentes. Souvenez-vous du temps passé à bachoter les deux mois précédant un examen. Ce sera fini tout ça. Au final, vous aurez réparti le même temps tout le long de l’année. Et puis, surtout, fini le stress avant l’examen!

« Oh là là ! J’ai l’impression que vous avez raison mais je n’aurai pas trop le temps. Vous comprenez, à cause des jeux en ligne… j’y tiens quand même, moi ! ».

Est-ce que vous aimeriez passer un mois complet rien qu’à faire ça ?

« A jouer en ligne ? Ah, le rêve ! »

Eh bien, si vous avez fait vos chunks et vos bavardages d’intégration toute l’année, alors je l’exauce, votre rêve. Le dernier mois avant l’examen, quand il n’y a plus de cours, passez-le à jouer. Allez-y à fond, si vous aimez ça. Vous serez de bien meilleure humeur pour l’examen !

« Oui, mais les révis…« .

Les quoi ? Quelles révisions ? Si vous avez suivi les consignes vous n’en avez pas besoin. Vous savez tout ce que vous avez besoin de savoir pour l’examen. Allez, salut !

« hummppfff ?!« .

Post Scriptum

le chapitre 1 s’intitule « techniques faciles de mémorisation. Vous vous attendiez peut-être à un chapitre 2 sur les techniques moins faciles. eh bien, il n’y en a pas. Parce qu’en fait, toutes les techniques sont faciles ou relativement faciles.

En revanche, certaines, et notamment les méthodes (qui utilisent souvent plusieurs techniques) demandent un apprentissage long. Elles ne sont pas difficiles, c’est encore une illusion, mais elles demandent un long entrainement préalable.

Je veux parler d’un long entrainement avant que vous puissiez mémoriser avec. Bien des méthodes mnémotechniques sont dans ce cas. Ce sera sans doute l’objet d’un autre article.

D’autres méthodes, comme celle des chunks ne demandent pas d’entrainement avant mais il s’agit là de « méthodes continues », à exercer en permanence depuis la 1ère mémorisation jusqu’à la dernière. C’est donc particulièrement adapté pour apprendre des cours. Je sais qu’il y a une proportion notables d’étudiants parmi vous. Pensez-y… et faites moi savoir ce que ça a donné.

Sommaire
Mémorisation: techniques faciles ou moins faciles ?
Titre de l'article
Mémorisation: techniques faciles ou moins faciles ?
Description
Dans cet article, j'examine 4 techniques de mémorisation. Je les notes sur 10 pour la facilité et le temps de mise en oeuvre.
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Publié par
Le Club Memori