Quand on parle d’améliorer la mémoire, on pense souvent à des techniques traditionnelles comme la répétition. Ou parfois le mind mapping ou la mnémotechnie. Cependant, les progrès technologiques ont ouvert la porte à des méthodes beaucoup plus innovantes et engageantes. Parmi celles-ci, la réalité virtuelle (VR) se distingue par son potentiel à transformer les exercices de mémoire en expériences captivantes et efficaces.
Pour l’instant, c’est encore embryonnaire mais on peut déjà s’y intéresser.
Comment la réalité virtuelle renforcerait-t-elle la mémoire ?
On parle ici de la réalité virtuelle immersive.
Elle permet d’entrer virtuellement dans des environnements stimulants qui peuvent aider à consolider la mémoire et l’apprentissage. C’est très peu développé en direction du grand public ou des établissements d’enseignement. Mais ça pourrait venir.
Pour l’instant, on l’utilise en chirurgie, par exemple ou dans l’industrie aéronautique. mais aussi dans d’autres domaines. Se déplacer dans une maison virtuelle, par exemple, peut amener son concepteur à repérer des erreurs de conception, à voir de qu’il ne voyait pas sur plan, à imaginer une amélioration.
La VR (virtual reality) a la capacité de transporter l’utilisateur dans des scénarios parfaitement réalistes. On l’a utilisé récemment pour se déplacer dans des corridors ou des galeries de la grande pyramide. Et cela a permis de faire des découvertes.
Mais la mémoire dans tout ça ?
Avec de tels moyens, un escape game pourrait très bien se faire avec un casque sur la tête dans un gymnase vide de tout aménagement. Dans le futur on pourrait imaginer des cours en réalité virtuelle. Un cours d’histoire en participant virtuellement à un événement historique ancien. Un cours de géographie en se déplaçant dans le lieu étudié, serait-il au bout du monde. Un cours d’astronomie dans un observatoire etc.
La question qui se pose alors est la suivante: pourra-t-on mémoriser plus facilement en réalité virtuelle qu’en potassant son cours ?
Pour y répondre, imaginons que le cours de géographie sur l’Anatolie se passe en Anatolie. Que le cours d’astronomie se passe dans un observatoire. Cela suppose des moyens que l’Education Nationale n’a pas, mais imaginons. Eh bien il est certain que les informations vécues se mémorisent et surtout se remémorent beaucoup mieux que les informations orales ou écrites.
Cela tient aux extrêmes performances de notre mémoire autobiographique. Elle n’est pas activée lors d’un cours en lasse mais elle l’est lors d’un déplacement ou d’un cours in situ. Il n’y a rien d’étonnant là-dedans c’est connu par tous les spécialistes et pressenti par tout-un-chacun. Maintenant une seconde question se pose.
L’expérience de réalité virtuelle fera-t-elle partir de vos souvenirs autobiographiques
Et si l’expérience immersive dans une réalité virtuelle activait, elle aussi, la mémoire autobiographique ? A première vue l’hypothèse est osée. En effet, on ne vit pas vraiment alors dans la situation vrai mais dans une image. Oui mais… est-ce que le cerveau fait la différence ? A priori oui, il sait que ce n’est pas du vrai.
Pourtant, les participants à ce type d’expérience oublient assez vite que c’est du virtuel. Ce qui signifie en fait que leurs cerveaux considèrent la situation comme si elle était réelle. Tout est dans le « comme si ». Or, des expériences montrent qu’on peut vous implanter de faux souvenirs, « comme si » c’était vrai. Evidemment c’est de la manipulation, mais ça marche.
Ensuite, vous pouvez parfaitement vous souvenir de ce qui n’a portant jamais existé. Et quand on vous révèle la supercherie vous n’y croyez pas, vous resté persuadé d’avoir vécu l’événement ! Et quelle est la mémoire qui vous persuade ainsi ? Eh bien, c’est votre mémoire autobiographique !
Elle est extrêmement solide. C’est toujours la mémoire que nous jugeons la plus fiable. Quand on a vécu quelque chose, on sait bien intimement qu’on l’a vécu tout de même non ? Eh bien non ! La preuve que non, c’est qu’on peut la manipuler. Maintenant, voyons la participation à un événement de réalité virtuelle.
La réalité virtuelle peut-elle fonctionner comme une sorte de manipulation ?
Cette participation à un événement de réalité virtuelle sera évidemment stockées en mémoire autobiographique puisqu’elle a été vécue. Vécue comme un expérience virtuelle. Vous vous devriez vous en souvenir comme d’une expérience toute virtuelle.
Mais rappelez-vous qu’on peut manipuler votre mémoire de sorte que vous soyez convaincu d’avoir vécu un évènement. C’est à dire au point que ce « souvenir » est doté de conscience autonoétique. Cela signifie que vous avez conscience que le souvenir qui vous revient n’appartient qu’à vous, avec la certitude que c’est du vécu, et non pas quelque chose appris en cours ou dans un livre. Et pourtant ce n’est pas vrai.
Dès lors, pourquoi ne pas faire l’hypothèse que l’expérience immersive en VR pourrait activer la conscience autonoétique ? Après tout, c’est aussi une sorte de manipulation psychologique qui vous met dans une situation irréelle comme si elle était réelle et comme si vous y étiez.
Tout cela reste à vérifier. Allez-vous vous souvenir d’avoir participer à l’expérience mais sans vous rappeler son contenu ? Ou bien en vous rappelant aussi son contenu ? On peut déjà affirmer que la seconde possibilité est plus probable que le première puisque vous avez quasiment vécu l’événement.
La grande question est de savoir si ce contenu « presque vécu » est stocké dans vos multiples autres mémoires en dehors de votre mémoire autobiographique. Ou s’il est stocké dans votre mémoire autobiographique, associé au souvenir d’avoir participé à cet événement de réalité virtuelle. Auquel cas, il pourrait bien finir par acquérir la conscience autonoétique.
Et dans ce dernier cas, le contenu de l’expérience deviendrait un souvenir extrêmement solide. Le jour où la réalité virtuelle serait utilisée comme moyen pédagogique, il n’y a aucun doute que que ce serait un tournant dans l’enseignement.
Quelles seraient les conséquences pour l’enseignement et la mémoire ?
Ce qui est enseigné en contexte vivant est toujours mieux mémorisé et plus mémorable. Ce qui est enseigné dans une réalité virtuelle (ce qui n’existe presque pas aujourd’hui) l’est probablement tout autant. La question est celle de la persistance dans le temps. Ce qui est enseigné en contexte vivant est stocké en mémoire autobiographique. C’est très solide.
Si le contenu enseigné en réalité virtuelle y est stocké aussi, alors, ce sera tout aussi solide. Ces expériences simulant des situations réelles formeraient des souvenirs beaucoup plus stables que ceux habituellement formé dans les salles de cours. Ce serait déjà une révolution.
En effet, cela signifierait moins de répétitions fastidieuses, moins d’erreurs, moins d’oublis, moins de révisions. Cela signifierait aussi plus de succès, plus de réussites aux examens, plus de personnes bien formées dans leur discipline. Et un bouleversement des supports pédagogiques. Actuellement ce sont les manuels en papier qui dominent. Des manuels numérisés existent cependant, de même que des cours en vidéos ou en télétransmission.
Mais là, ce serait autre chose. Ce seraient des scénarii dans lesquels vous pourriez interagir. Au lieu de « vivre » un jeu, vous pourriez participer à des expériences de chimie, à des rencontres linguistiques, à des fouilles archéologiques etc. Ce serait une extraordinaire révolution.
Y a-t-il d’autres pistes pour la réalité virtuelle.
Evidemment. Par exemple, l’archéologie, la chirurgie, l’architecture, la construction aéronautique. Egalement, quelques recherches semblent se dessiner en matière de rééducation cognitive. Ou chez des personnes ayant subi des traumatismes cérébraux ou souffrant de maladies dégénératives. Peut-être aussi dans le domaine des rééducations motrices. Mais on s’éloigne pas mal de la mémoire. Il est clair que la réalité virtuelle aura d’autres horizons.
Enfin, terminons sur le fait que l’usage de la réalité virtuelle est encore très faible en milieu pédagogique. Et sur le fait aussi que plus elle s’imposera, si elle s’impose, plus il faudra garder les pieds sur terre. Et la considérer comme une technologie ou un outil parmi d’autres technologies et outils d’aide à la mémoire, une cousine particulièrement disruptive par apport aux applications et logiciels pour entraîner sa mémoire qui feront sans doute piètre figure face à la « VR ».
Enfin, tout de même, à ce jour, c’est encore de la fiction.
FAQ: Utiliser la réalité virtuelle pour des exercices de mémoire innovants
Est-ce que ma mémoire dans la réalité virtuelle pourrait être testée meilleure que dans la réalité tout court ?
A priori ce serait toujours la même ! Mais une fois revenu dans la réalité tout court, les souvenirs en seraient mieux consolidés et plus facile à retrouver. Mais votre question en appelle une autre. Et si, une fois plongé dans un cours en réalité virtuelle, vous y mettiez en œuvre des moyens mnémotechnique ? Par exemple un palais de mémoire ? Ou simplement faire des exercices d’attention ou de concentration sous votre casque.
Est-ce que votre palais mental ou vos exercices seraient alors plus ou moins efficace que si vous les utilisiez une fois retiré votre casque ? J’ai posé la question mais je n’ai aucun idée de la réponse. En réalité, il faudrait déjà commencer par tester la mémorisation et la remémoration en réalité virtuelle. C’est à dire passer les tests en réalité virtuelle… Ensuite il faudrait tester la remémoration en réalité… réelle.
On n’y est pas encore !
Pourrait-on utiliser de moyens mnémotechniques dans une session d’apprentissage en réalité virtuelle ?
A priori, rien ne s’y oppose. Il faudrait toutefois des études pour comparer leur efficacité par rapport à l’efficacité hors « VR ». Sans doute que la mesure de l’efficacité de la mémorisation et de la remémoration se fasse sous casque d’abord. Et qu’on reteste l’efficacité ensuite sans le casque. Cela pose des problèmes de méthodologie inédits.
La réalité virtuelle, ça ne va pas juste me donner la nausée au lieu de booster ma mémoire?
La réalité virtuelle a la réputation de secouer l’estomac de quelques novices, c’est vrai. Vous pouvez avoir la tête qui tourne. Ces inconvénients sont étudiés et des remédiations commencent à poindre. Il est bien possible qu’on en vienne à bout.
Est-ce que je risque d’oublier la réalité si je m’entraine trop dans la virtuelle?
Votre cerveau est a priori assez malin pour distinguer la réalité de la fiction. Mais, malin ou pas, on peut quand même le tromper ! Il est même banal que, sans manipulation, vos souvenirs se modifient au fil du temps, tout en conservant la même conscience autonoétique !
Il est donc possible que, au bout d’un certain temps, vous ne sachiez plus si tel ou tel souvenir provient d’une expérience réelle ou d’une expérience en virtualité. Une autre possibilité est que des personnes psychiquement fragiles ou ayant une maladie mentale voient leur sens de la réalité altéré, des angoisses ou d’autres symptômes apparaître.
Pour l’instant, nous ne savons pas encore à quoi nous attendre.
La réalité virtuelle, c’est l’avenir, donc adieu les vieux jeux de mémoire sur table ?
Ce serait inquiétant. Pour garder les pieds sur terre, rien de tel que des expériences bien réelles dans la vie réelle. Jouer à des jeux de société, faire du sport, s’adonner à des jeux de mémoire, discuter avec des amis « en vrai », tout cela s’impose.
La réalité virtuelle est simplement un nouvel outil dans notre arsenal de stratégies pour comprendre, apprendre, faire de la recherche etc.
J’ai lu quelque part que la VR pouvait aider à traiter les troubles de la mémoire, est-ce vrai?
Il y a des expériences c’est vrai. Par exemple pour désensibiliser des personnes ayant des troubles anxieux comme la peur de l’avion. Des études préliminaires en réalité réalité virtuelle semble avoir été lancés pour le traitement de certains troubles cognitifs, alors pourquoi pas la mémoire.
C’est du domaine de la recherche. On n’en est pas au stade ou votre médecin pourrait vous prescrire des sessions de réalité virtuelle…